Un « vent de sottise » souffle sur nos campagnes, ou comment le lobby nucléaire croise nationalisme et biodiversité
La fédération
d’associations « Vent de sottise » vient d’envoyer
un courrier aux députés et sénateurs de Saône-et-Loire pour
les convaincre de s’opposer au projet d’accélération des
énergies renouvelables débattu à partir du 4 novembre
prochain. « Vent de sottise » est une fédération
de près de 30 associations, opposées aux projets éoliens du
département, au nom de la défense du patrimoine, des
paysages et de la biodiversité. Elles ont aussi souligné les
limites de projets qui visaient à raser une partie des
forêts, artificialiser des dizaines d’hectares, pour un
bénéfice écologique contestable. Des membres de ces
associations ont reçu ce courrier, pour l’envoyer
personnellement aux élus s’ils l’approuvent, contournant
ainsi l’espace d’intelligence et d’action collectives que
doit être une association.
La question de l’éolien terrestre industriel est complexe.
On parle là de ces éoliennes qui vont de 75 à 250 mètres de
haut, produisant, en alternance avec des centrales au gaz
naturel, de l’électricité réinjectée dans le réseau national
de transport électrique. De tels projets sont souvent
soutenus comme un moindre mal (plutôt une éolienne qu’une
centrale nucléaire), et sont trop rarement étudiées comme un
produit du mirage de la « croissance verte » et de
ce que nombre d’écologistes appellent le
« techno-solutionnisme » (la croyance que la
technologie fournira, seule, des solutions à la crise
écologique, sans changer nos modes de vie). Signalons, entre
autres enquêtes, Les mirages de l’éolien de Grégoire
Souchay, une publication de Reporterre (pas vraiment une
source anti-écolo…). Bref, cet éolien mérite une véritable
réflexion collective.
Est-ce ce que vise le courrier de « Vent de
sottise » ? Un courrier de sept pages, long et
technique, mais dont se dégagent des formulations tout ce
qu’il y a de plus clair. La première page attaque la
« politique du ‘tout pour les énergies
renouvelables’ » que viendrait servir ce projet de loi.
Une politique que mènerait la Commission européenne pour
« imposer à l’ensemble des Etats membres » une
même politique énergétique « sous l’influence de
l’idéologie ‘verte’ surtout anti-nucléaire et celle de nos
amis Allemands, ralliés à la cause anti-nucléaire à la suite
de Fukushima et fervents partisans d’un éolien qui rapporte
beaucoup à leur économie ».
Mais de quoi parle-t-on ?! Où est cette
« idéologie verte » supposée si puissante, alors
que les engagements de décarbonation de l’économie,
largement insuffisants, ne sont globalement pas tenus ?
Les centrales au gaz naturel sont admises aux subventions
européennes au nom de la décarbonation !! Ce courrier
omet de dire que c’est à titre de transition, et le
nucléaire l’est aussi à certaines conditions (produire de
l’hydrogène). A ces omissions s’ajoutent des
contradictions : rappeler que l’éolien terrestre est
couplé à une production au gaz naturel, mais soutenir en
même temps que l’Allemagne promeut cette politique à cause
du renchérissement du gaz naturel !
Il s’en dégage un soutien constant au nucléaire,
l’imputation à l’Allemagne des dommages de l’éolien
industriel, le tout en usant des réticences de beaucoup à
l’égard de la Commission européenne. On reconnaît sans peine
une combinaison suspecte entre le lobby nucléaire et des
thématiques nationalistes, pour ne pas dire plus (voir par
exemple « Anti-éolien : gare au retour de
flammes », Revolution énergétique, 10 juin 2021). Le
tout venant exploiter des frustrations parfois
légitimes : pourquoi sacrifier, au nom d’une mise au
vert de l’énergie pour ne rien changer à nos vies, ces lieux
ruraux où, justement, s’inventent des manières de vivre
autrement ?
Disons-le clairement : il peut y avoir des raisons
écologiques profondes de s’opposer à nombre de ces projets
éoliens terrestres, mais ce communiqué ne s’en fait
aucunement l’écho. Alors ne nous laissons pas confisquer ce
débat.
Arnaud Milanese