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   12 février 2022 - Arnaud Milanese
 

Le rapport Meadows – quelques rappels utiles sur la courte histoire d’une légende

Le rapport Meadows (Les limites de la croissance) fête ses 50 ans. Avec le temps, il s’est imposé comme le rapport de référence, amorçant une prise de conscience écologique à l’échelle mondiale (1). Autour de lui, s’est construit un récit standard des 50 dernières années : à trente ans à peine, l’ingénieur du MIT, Dennis Meadows, entouré de Dana Meadows, Jorgen Randers et William Behrens, établit le lien entre le développement des activités économiques du monde industriel et une crise écologique dont nous ne pouvions alors qu’envisager les prémisses – la croissance, selon le titre du rapport, atteignait ses limites naturelles dans un monde fini. Longtemps, toujours selon ce récit, ces « visionnaires » ont prêché dans le désert, eux et ceux qui portaient dans l’espace public les constats établis dans ce rapport. Le climato-scepticisme avait la peau dure, les pouvoirs publics, l’industrie et une bonne partie des intellectuels (que l’on pense en France au brûlot commis par Luc Ferry en 1992, par exemple (2)) restaient sourds, et l’opinion publique, timide. Mais, peu à peu, des mouvements écologistes se sont structurés en partis politiques, l’ONU crée la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement en 1983, le GIEC est créé en 1988, 1992 est aussi l’année du sommet de Rio, qui popularise la notion de développement durable, issue des travaux de la commission onusienne (3), fixe un cap, et donne naissance à la Conference of Parties (COP), dont la 21e a, en 2015, produit le fameux « Accord de Paris », fixant, pour la première fois, des objectifs juridiquement contraignants. Dans le même temps, les enjeux écologiques pénétraient, plus ou moins, tous les discours politiques.
Ce récit est devenu une telle évidence que toute critique du rapport Meadows, et surtout des conditions de sa production, est devenue une manière efficace d’être taxé de climato-sceptique. Aussi efficace que de douter du discours « effondriste », ou de l’impact écologique positif de la plupart des mesures techniques mises en œuvre à l’échelle industrielle. Et pourtant. Qui a lu ce rapport ? Qui se souvient de ses commanditaires et du contexte politique précis dans lequel il est produit ? Le récit standard, dont il sert de point de départ, est-il vraiment le récit des mouvements écologistes dans leur diversité, et surtout dans leur radicalité et leur lucidité ? Aucun mouvement social ne prend force sans entretenir lui-même sa mémoire. A l’heure où beaucoup déplorent, saluent ou espèrent une nouvelle radicalisation des mouvements écologistes, où beaucoup inscrivent ce tournant dans leur propre vie, au-delà des « gestes », ce papier veut contribuer à une nécessaire réappropriation, par le militantisme écologiste, de sa propre histoire, trop souvent confisquée.

Ce qu’a signifié le rapport Meadows

Le récit que je viens de reconstituer est fortement biaisé, au point qu’il suffit d’en pointer les omissions pour réveiller une saine méfiance. Entre autres témoignages, rappelons comment un écologiste français convaincu a pu l’accueillir à l’époque : « la première réaction, chez beaucoup d’entre nous (les écologistes), était jubilante : enfin, le capitalisme avouait ses crimes » (André Gorz (4)). « Enfin », parce que ces « crimes » étaient largement connus, et la conscience écologique n’a absolument pas attendu le rapport Meadows. Les quatre auteurs du rapport de 1972 étaient-ils des « visionnaires », ou les porte-parole d’un « aveu » déjà tardif ?
Tout d’abord, donc, la conscience écologiste a largement précédé le rapport Meadows. Si René Dumont, agronome et premier candidat écologiste à la présidentielle française en 1974, est un converti tardif (5), le botaniste Roger Heim publie, en 1952 déjà, Destruction et protection de la nature, qui eut un réel écho. Bernard Charbonneau (dont le premier article écologiste date de 1937 (6)), Serge Moscovici (7) et bien d’autres témoignent eux aussi d’une conscience écologique bien antérieure, en France, et qui se développe au cours des années 60-70, croisant critiques de la technologie et de la société de consommation. Mai 68 donna un écho considérable à ce discours. En 1971, la France crée son Ministère de l’environnement.
Aux Etats-Unis, y compris à l’échelle publique, l’antériorité est plus nette encore. La crainte de la bombe atomique s’élargit, dès les années 50, à une conscience aiguë de l’impact technologique sur la planète. Murray Bookchin et d’autres multiplient les alertes, les interventions et les rapports sur toutes les formes de pollution et de destruction de l’environnement. Et le début des années 60 voient les publications majeures se multiplier : The Waste Makers, en 1960, de l’économiste et sociologue Vance Packard (traduit en français en 1962), Our Synthetic Environment, de Murray Bookchin, en 1962, et surtout, en 1962 toujours, le best-seller de la biologiste Rachel Carson, Silent Spring, tout de suite traduit dans de multiples langues (en français, dès 1963). Les mouvements d’opinion, dont le succès du livre de Carson est le témoin et le catalyseur, conduisent, à partir de luttes qui seront finalement victorieuses pour faire interdire le DDT, à la création aux Etats-Unis de l’Environmental Defense Fund en 1967, aux lois « Clean Air, Clean Water and Endangered Species », et à la création de l’United States Environmental Protection Agency, en 1970, suite aux dizaines de millions de personnes dans la rue pour le premier « Jour de la Terre », le 22 avril de la même année.
A tout cela s’ajoute une résistance précoce d’économistes de tout premier plan : ainsi Arthur C. Pigou, économiste britannique du Welfare, élabore, dès le début des années 50, des modèles économiques de taxation de la pollution, et Karl W. Kapp, économiste allemand, propose, lui aussi au début des années 50, des modèles économiques élaborés pour inclure le coût social et environnemental de la croissance dans son évaluation. Ce ne sont ni des cas isolés ni des économistes de second plan. Plus globalement, dès le début de la politique de croissance popularisée par le président Truman, notamment, en 1949, ce nouveau mantra de l’immédiat après-guerre rencontre des oppositions fortes de toute part, qui culminent notamment avec The Cost of Economic Growth (1967), de Ezra J. Mishan, membre de la très influente London School of Economics – une synthèse de dix années de travail balisant tous les arguments anti-croissance des années qui suivirent et reposant sur une extension de la notion de coût à toutes les conséquences, humaines et environnementales, de l’activité économique.
Plus encore, les débats écologistes sont si intenses que l’on peut déjà distinguer entre (simple) environnementalisme – la prise en compte des atteintes environnementales dans la conduite de l’activité économique et une sensibilité accrue aux impacts sur la nature des activités humaines – et « écologie sociale » (appelée plutôt, en France, « écologie politique »), qui estime que des changements socio-économiques plus radicaux seront nécessaires – mettre fin aux rapports de domination pour mettre fin à l’organisation sociale qui détruit la planète. Si la notion d’« écologie profonde » (par opposition à une écologie « superficielle ») – attribuer à tout être vivant une égale dignité, impliquant une nouvelle forme d’éthique – n’apparaît, semble-t-il, qu’en 1973, sous la plume d’Arne Naess, elle ressaisit des idées déjà développées dans les années 60. Et de toute part, la question de la décroissance, ou, a minima, de manières alternatives d’évaluer le développement, sont ardemment discutées au sein des différentes formes d’écologisme – bien au-delà du cercle des économistes. La politisation de l’écologie est pleinement active, croisant militantisme intense et travail scientifique engagé.
Le rapport Meadows arrive donc au cours d’une bataille déjà largement engagée, et la question reste entière de savoir ce qu’il y a signifié.
Car, second point, le rapport Meadows n’était pas du tout le fait de quelques visionnaires, mais constituait, à la fois, une reconnaissance et une confiscation.
Pour le comprendre, il faut revenir sur son histoire. Quelques puissants décideurs, dont la fondation Rockefeller, composant le très conservateur Club de Rome, commandent aux ingénieurs du MIT un rapport sur l’impact climatique de l’activité humaine : le rapport Meadows est la réponse à cette commande. Les constats qu’on y trouve documentés sont déjà largement consensuels à l’époque, dans le monde des écologistes, et ses préconisations sont, pour la plupart, déjà défendues par ailleurs, et pour plusieurs assez timides, mais dans tous les cas le rapport s’en tient à celles qui font le plus consensus alors : inflexion de la croissance à partir de 1975, dans les pays « développés », mais triplement de la production industrielle mondiale pour 1990 (!!!), en réduisant au quart la consommation de ressources minérales. Ce qui impliquait la production de biens plus durables, le recyclage et la réduction des gaspillages (déjà le B A BA des revendications écologistes), mais aussi le développement accéléré de l’économie « immatérielle » – incluant, notamment, la marchandisation plus poussée de biens et services jusque-là non marchands, pour compenser les « pertes » industrielles. Une relative décrue industrielle au prix d’une croissance exponentielle de la marchandisation. Le tout appuyé sur des chiffres et des modèles dont beaucoup ont été immédiatement critiqués (y compris et surtout par ceux qui en validaient pourtant les constats) (8), et sur une expertise guère supérieure à celle de nombreuses études déjà disponibles (9).
Quel écho de l’ébullition écologiste évoquée plus haut dans le rapport Meadows ? Rien sur le changement d’échelle des unités de production. Rien sur la réorientation technologique vers des procédés plus maîtrisables à échelle humaine. Rien sur les critiques de la société de consommation, occultant structurellement toute réflexion sur la production des marchandises et la réalité des besoins humains. Presque rien sur la redynamisation du monde rural. Donc rien sur ce qui faisait déjà le coeur de la réflexion écologiste la plus avancée. Mais à la place une ambiguë promotion de l’économie « immatérielle ».
On connaît la suite : la résistance des industries pétrolières et la « révolution » numérique, qui a montré que économie « immatérielle » rimait en réalité avec nouvel extractivisme, toujours plus destructeur, mais « pas chez nous », invisibilisé. Cette suite a contribué rétrospectivement à attribuer au rapport Meadows la radicalité qu’il n’avait pas.
Creusons un peu encore. Notre témoin de 1973 l’avait déjà identifié, et nombre d’écologistes (en seconde réaction, donc) suivent alors ce constat : « Quand le rapport Meadows envisage le triplement de la production industrielle mondiale, tout en recommandant sa non-croissance dans les pays industrialisés, n’est-ce pas à (une) vision néo-impérialiste de l’avenir qu’il se réfère implicitement ? » (10). Laquelle ? Et bien la localisation des productions polluantes – et pas seulement l’extraction – dans les pays dits, à l’époque, du « Tiers-monde ». En somme, ce rapport annonçait largement le redéploiement mondial du capitalisme qui allait suivre (même contre une bonne part des intentions de leurs pauvres auteurs), y compris, par exemple, l’explosion de la marchandisation touristique et la bétonisation massive qui l’a accompagnée, sans parler de l’explosion de l’émission de CO2 par les transports, puis la démultiplication des extractions polluantes et socialement désastreuses qui ont accompagné l’économie dite « dématérialisée » des années 80-90. Et ce, même si « Tiers-Monde » renvoie à une réalité reconfigurée : les rapports de domination entre territoires sont aussi restées en partie internes à nombre de pays industriellement développés (que l’on pense à l’extraction du pétrole et du gaz de schiste aux Etats-Unis, à l’extraction des doublement mal nommées « terres rares » par la Chine, ou même, à plus petite échelle, à la bétonisation des côtes et des zones cultivables pour des raisons touristiques). On reconnaît là parfaitement le néo-impérialisme du Club de Rome et du capitalisme depuis 50 ans au moins.

La contre-histoire d’une première défaite

Que s’est-il passé en 1972 ? Il faut je crois faire un détour par 1992 pour le comprendre, et par l’« appel de Heidelberg », qui entourait le sommet de Rio : ce texte, écrit par Michel Salomon, et signé par près de 4000 scientifiques dont 72 prix Nobel (plusieurs signataires l’ont regretté ensuite…), s’inquiétait alors de « l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social ». On sait aujourd’hui qu’il fut commandité par l’industrie de l’amiante (11). Mais il n’était pourtant pas climato-sceptique : il défendait le développement d’une « écologie scientifique », sur le modèle du rapport Meadows et du travail du GIEC d’alors, contre le militantisme et les associations écologistes, plus radicaux dans leurs exigences, et en réalité bien plus « visionnaires » sur les changements sociaux nécessaires. Bref, on est dans le même esprit que le livre de Luc Ferry, qui n’hésitait pas à voir dans le nazisme la source de l’essentiel de cet écologisme « irrationnel » (qu’il réduisait à une lecture caricaturale de l’écologie profonde) (12).
Qu’appelle-t-on ici « écologie scientifique », quand on sait que les courants spiritualistes fumeux n’ont toujours représenté qu’une infime partie d’une littérature écologiste militante qui appuie ses constats depuis le début sur des enquêtes et des travaux scientifiques, et compte, parmi ses auteurs, des scientifiques ou des ingénieurs patentés ? Et bien, précisément la configuration qu’illustre, parmi bien d’autres depuis, le rapport Meadows : quelques dizaines des plus grands décideurs du monde contemporain commandent un rapport et évaluent la manière de tenir compte, au nom du reste de la planète, de ses recommandations. En somme, précisément ce que l’on nomme depuis les années 20, aux Etats-Unis, une technocratie (13) – quitte à se disputer ensuite, entre puissants, pour savoir si elle doit reposer directement sur l’autorité de quelques experts, comme le préconise un Jean-Marc Jancovici, ou si les leaders actuels conservent leur leadership, en l’éclairant du recours ponctuel à une expertise choisie et dévouée (c’est cette seconde option qui a contribué à la naissance du néolibéralisme (14)). Le résultat en est toujours le même : une réorientation du capitalisme, non remis en cause, associé souvent à un relent réactionnaire que le néo-impérialisme du rapport Meadows illustre bien.
Le statut aujourd’hui consensuel de ce rapport ne serait donc que l’un des symboles, avec l’écrasement policier du contre-sommet de Gênes en 2001, de la défaite du militantisme écologiste, plus radical des années 70 – et en réalité plus réaliste –, qui voyait dans un sursaut démocratique, décentralisateur et décroissant le nouveau mode de vie, anti-capitaliste, qu’appelait la crise écologique – une perspective qui a l’immense avantage de dépeindre la sobriété autrement que sous les couleurs de la privation sous menace (ou de ce que Hans Jonas nommait, en l’appelant de ses vœux, l’« heuristique de la peur » (15)) !
Car, comme le disent la poignée d’ingénieurs développement et de financiers de Total Energies, filmés, en réunion, dans le reportage qu’Arte y a consacré : « nous » ne nions pas la crise écologique, mais son traitement est « notre » affaire (16). 1972 signe donc le début d’une première bataille culturelle de l’écologie, celle des années 70, une bataille qui a bel et bien été perdue pour qui croit que la crise écologique appelle un bouleversement fondamental de la société, vers bien plus d’horizontalité et de co-constructions. Autre symbole de cette défaite : lorsque les écologistes parlent d’énergies solaire et éolienne, dans les années 70, ils parlent tous de production low tech, contrôlable, « bricolable », et ainsi démocratique et ajustable aux besoins d’un territoire, ce qui impliquait un redéploiement complet du mode de production et de distribution des énergies ; aujourd’hui, on parle le plus souvent d’innovations techniques, de béton et d’extraction en masse de terres rares, pour produire de véritables centrales ajustées aux réseaux énergétiques tels que l’industrie et les Etats les ont créés. Que des « écologistes » en viennent même, parfois, à défendre le nucléaire n’est que la cerise sur le gâteau – ou le dernier tour de verrou du There Is No Alternative.
Le statut du rapport Meadows, 50 ans après, serait bien, de ce point de vue, le monument d’une défaite. Le récit standard dont nous sommes partis est en réalité celui d’une institutionnalisation plus qu’ambivalente des mouvements écologistes, sous une forme visant à les rendre indolores pour l’ordre social responsable de la prédation que ces mouvements ont su penser et combattre. Il acte l’occultation de ce que pouvait avoir de révolutionnaire le mouvement écologiste.
A tout cela les tenants de ce récit standard ont une réponse bien rodée : l’enjeu est tel et les forces en présence sont telles qu’il faut bien des compromis pour gérer les urgences, gagner du temps sur la dégradation environnementale, accepter des priorités – le climat par rapport à la biodiversité, par exemple, voire le climat plutôt que la justice sociale.
Ce discours est bien rodé parce que le piège s’est refermé – nous sommes tous lost in transition. Parce que la stratégie du consensus large, mainte fois formulée, jusque dans la récente collapsologie, est un échec, prévu par nombre d’écologistes depuis le début. Dépolitiser, dé-cliver le discours écologique parce que nous aurions besoin d’un tel consensus pour être efficaces, et gagner ce qu’on peut gagner : c’est oublier que, si les limites de l’environnement sont un fait, ce que ce fait signifie pour nous, en pratique et collectivement, peut prendre des formes extrêmement différentes, voire franchement opposées – tenant compte plus ou moins, et pour des raisons très variables, de ces limites. Chercher le consensus a minima avec un mode d’organisation sociale tournant autour des investissements privés et des retours sur investissements privés (les « opportunités de profit »), dont la spécialité est précisément de toujours savoir « gagner du temps » (Wolfgang Streeck (17)), il fallait bien être aveugle – ou sidéré par la peur – pour trouver cela réaliste ou pragmatique. Car ce que beaucoup n’ose même plus appeler capitalisme (de peur sans doute de « cliver ») implique une incapacité foncière à traiter la crise écologique. Il n’est certes pas court-termiste, comme on le dit parfois, il prévoit loin, pour dégager à court-terme des opportunités de profit, loin, mais jamais plus loin qu’une génération (« à long terme, nous serons tous morts », disait souvent Keynes (18)). En revanche, il a rendu les démocraties court-termistes, en dépolitisant les gens et en les soumettant ainsi au seul rythme des mandats électoraux, et au service d’une société de consommation qui a tout retraduit dans son langage, y compris la domination et l’injustice sociale – jusqu’à les rendre sacrifiables au nom de l’urgence écologique. Alors que la domination et l’injustice sociale sont bel et bien le moteur réel de la destruction de l’environnement !
« Qu’importe les raisons, les arrières-pensées et les concessions si on gagne quelque chose ! », répondra-t-on. Et bien si, cela importe, si les gains sont perçus en monnaie de singe (n’y voir aucun animalisme). Il faut savoir se contenter de gains graduels, mais il y a des effets de seuil dans la graduation qui renversent aisément ces gains en pure et simple perte. La loi européenne contre la déforestation importée, votée en 2022, en est une bonne illustration. Les raisons comptent lorsqu’on cherche à se prémunir des conséquences, et que l’on « négocie » avec plus fort que soi.
Prenons l’exemple du consensus écologique le plus solide : le climat et la pollution atmosphérique. Que dire si les puissances qui y étaient rétives y viennent parce qu’on a là affaire à des dommages écologiques non confinables ? Et oui, parce que c’est le problème avec l’air, il circule partout : en revanche, la biodiversité, la pollution des terres, et même des eaux, là, c’est « gérable ». On peut fragmenter les espaces, et payer des experts pour le faire intelligemment. On peut construire un développement différencié des territoires sur cette base – en clair sacrifier les uns pour « sauver » les autres, parce que « notre mode de vie n’est pas négociable » –, un « même bateau », comme on dit, qui devient vite le canot de sauvetage de quelques privilégiés. Et puis il y a des profits à faire – sur subvention publique, cela va sans dire – avec les techniques monstrueuses de production d’énergie « propre » et de retraitement du carbone atmosphérique. On peut même décroitre, si vous voulez, tant que les marges de profits demeurent. Tant qu’on est « réaliste », qu’on reste dans une « écologie scientifique », une écologie ajustée aux rapports sociaux de domination à toutes les échelles qui structurent aujourd’hui nos vies. Et c’est bien le problème d’un tel système : tout risque, qu’il s’agisse de nucléaire ou de dégradations écologiques, est traité comme un risque encouru par un investissement. Un jeu d’avantages et d’inconvénients compensables. Rien de plus. Et l’enseignement des historiens est clair : il en était déjà ainsi au 19e siècle, et c’est en pleine conscience que les industriels et leur appareil techno-scientifique ont « couru le risque » de dévaster l’espace où ils se sont déployés (19).

Que faire de tout ceci ? De quoi le statut du rapport Meadows (loin d'être le premier, loin de marquer les débuts du militantisme, et même de l’expertise, écologiste) est-il en réalité le signe ? 50 ans après, la « conscience » écologique est, malgré tous les obstacles, plus diffuse, elle imprègne les affects, et parfois les modes de vie, de beaucoup de gens, notamment les plus jeunes. Mais « écologie politique » ne veut plus dire grand-chose. La pensée politique écologiste naissante a été laminée par les forces de l’ordre intellectuelles et physiques, au profit de ce qu’Antoine Dubiau a très justement appelé une « alphabétisation écologique de la société » (20) : un drôle de mélange entre diffusion d’éléments de langage, analyses pseudo-scientifiques que plus grand-chose ne distingue publiquement de véritables expertises, comportements privés servant de signes extérieurs de cette conscience, et ajustements des politiques publiques en vue de traiter – et encore à l’échelle d’une génération – les conséquences écologiques « ingérables » et « capitalisables ». Et pendant ce temps, réactionnaires et néofascistes de toutes les Nouvelles Droites extrémistes préparent intellectuellement, avec un sérieux bien plus grand, une version monstrueuse de la société écologiste (21). Dans la fabrique du récit standard, réduire les débuts de la conscience écologique au rapport Meadows a servi une stratégie d’amnésie à l’encontre des apports plus radicaux du mouvement écologiste.
L’ensauvagement de la société par l’écologie espérée dans les années 70 n’a pas eu lieu, pas plus que la co-construction et la diffusion des savoirs collectifs qu’un tel bouleversement aurait supposé. Cette première bataille est perdue, et nous le payons aujourd’hui d’une relative cécité politique collective face à certaines propositions supposément écologistes, qui devraient en réalité nous effrayer, pour la nature et pour nous-mêmes. Dans les années 70, les multinationales multipliaient les séminaires internationaux où l’on s’inquiétait de ce que les gens devenaient « ingouvernables ». Les temps ont bien changé.
Mais tout est-il perdu ? En 1989, le FBI créait la catégorie « écoterrorisme », une notion déjà largement utilisée dans le monde anglo-saxon depuis les années 70, pour répondre à un durcissement du militantisme écologiste, et notre cher Darmanin a bien montré que la classe dirigeante est prête désormais à la dégainer au moindre petit sabotage, un peu comme la violence déchaînée contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes avaient pu être justifiée par de chimériques caches d’armes, qui n’ont bien sûr jamais été trouvées… Sentirait-elle quelque chose venir ? Pourquoi sont-ils aux aguets ? Rarement en France il n’y a eu autant de travaux – souvent le fait de jeunes chercheurs – si précis, radicaux et engagés, autour des questions écologiques, que ces deux dernières années. En quinze ans, plus largement, le thème de la décroissance est redevenu « sérieux », politiquement et académiquement, après plus de vingt ans de black out. Et depuis quand n’a-t-on pas vu autant d’occupations de territoires, d’actions directes et symboliques, d’études s’inquiétant de l’éco-anxiété, d’activité associative, de réorientation d’existence vers de nouveaux modes de vie, dont les très médiatiques « bifurqueurs » ne sont qu’une toute petite partie, et sans doute pas la plus représentative ? Après la sidération de 2020, ces signes marquent-ils le début d’une nouvelle bataille culturelle ? Peut-être, à condition toutefois de faire un réel inventaire des luttes passées pour se sortir des pièges institutionnels, rhétoriques et médiatiques qui attendent tout militant, de brûler les idoles (à commencer par le mythe du rapport Meadows) et de tirer ainsi les enseignements de la bataille que nous avons perdue, au premier rang desquels celui-ci : il est définitivement plus difficile d’orienter notre ordre social vers des fins pour lesquels il n’est pas fait, que de réorganiser notre société en profondeur. Pragmatisme rime désormais avec radicalité.

(1) Faisant même l’objet d’une réédition en mars dernier (édition Rue de l’Echiquier, spécialisée en ESS et développement durable).

(2) Le nouvel ordre écologique, réédité en poche en 2002. Le même Luc Ferry a réitéré en avril dernier avec Les sept écologies (édition J’ai lu, 2022). Si cette fois il fait droit à la diversité des mouvements écologistes, il n’en qualifie pas moins ceux « qui plaident pour la décroissance, comme les écoféministes, les décoloniaux et les véganes, qui considèrent la lutte pour l’environnement comme indissociable de celle pour le droit des femmes, des colonisés et des animaux », ainsi que tous ceux qui associent écologie et critique du capitalisme, d’« alarmistes révolutionnaires ». L’intention reste la même, pour cet ancien Chiraquien : désamorcer politiquement l’écologie au nom d’un humanisme vague.

(3) Il semble que l’expression apparaisse pour la première fois dans la publication commune UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement durable, 1980. Voir D. Chartier, « Aux origines du flou sémantique du développement durable. Une lecture critique de La stratégie mondiale de la conservation », in Ecologie et politique, n°29, 2004.

(4) « Socialisme ou écofascisme », in Le Sauvage, 1973, repris dans Ecologie et politique, Le Seuil, 1978.

(5) Voir son livre L’utopie ou la mort de 1973. Auparavant, il était partisan d’une agriculture intensive.

(6) « Le sentiment de la nature, force révolutionnaire », in Journal intérieur des forces personnalistes du Sud-Ouest, 1937.

(7) Même si son principal ouvrage, La société contre la nature, date de 1972.

(8) Le rapport Meadows amorce un type de démarche, qui va vite devenir un standard : s’emparer de modèles scientifiques à la mode (en l’occurrence, la cybernétique), pour en faire un usage peu rigoureux au service d’une heuristique écologiste – le dernier exemple étant l’usage de la théorie transdisciplinaire des systèmes complexes par la littérature collapsologique. La limite de ce type de démarche est que le manque de rigueur scientifique risque toujours de servir d’arguments contre les conclusions défendues, y compris lorsque ces conclusions sont déjà solidement établies par ailleurs. Exemplairement, la collapsologie fait une usage déterministe du modèle des systèmes complexes (en gros, une version élaborée de la métaphore de l’effet domino ou de l’effet papillon), alors que le coeur de la théorie des systèmes complexes est justement que plus un système est complexe, plus ses évolutions sont imprévisibles… Ce que l’évolutionnisme avait déjà largement établi dans l’étude du vivant.

(9) Depuis 1965, de nombreux rapports d’experts font déjà état du changement climatique et de ses facteurs anthropiques. Le comité scientifique de la Maison Blanche produit un rapport détaillé en 1965. Il en est largement question en France en 1968 lors d’un colloque de la Datar. En 1970 et 1971 le MIT, déjà, produit deux rapports, Study of Critical Environmental Problems et Study of Man’s Impact on Climate. Une trentaine de climatologues font paraître, en 1971 toujours, Inadvertent Climate Modification. Enfin, on sait aujourd’hui que Total disposait d’un rapport très précis sur l’impact des hydrocarbures sur le climat, dès 1971 (C. Bonneuil, P.-L. Choquet, B. Franta, « Early warnings and emerging accountability : Total’s responses to global warming, 1971–2021 », Global Environmental Change, 2021).

(10) Ibid.

(11) Stéphane Foucart, « L’appel d’Heidelberg, une initiative fumeuse », Le Monde, 16 juin 2012 ; Francois Jarrige, Technocritiques : Du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, La Découverte, 2016.

(12) 1992, op. cit., note 2.

(13) Le terme est créé par l’ingénieur californien William Henry Smyth, en 1919 (« Technocracy : Ways and Means to Gain Industrial Democracy », Industrial Management), pour lui, une forme de démocratie mais passant par de nouveaux types de représentants, les experts, gagnant leur statut, non par élection, mais par compétence. Il inspire deux lobbies puissants, aux Etats-Unis : la Technical Alliance, dès le début des années 20, puis, à partir de 1931, Technocracy Incorporated. Si ce mouvement décline après 45, l’esprit en demeure dans nombre de think tanks depuis. Dès les années 20, son thème favori est le gouvernement de la société par le gouvernement des sources d’énergie – et l’on reconnaît aisément cette question du contrôle de l’énergie, aujourd’hui, derrière toutes les velléités technocratiques contemporaines. Elles expliquent en partie le primat d’un modèle hyper-centralisé et non-démocratique de la production énergétique.

(14) Voir notamment l’apport de Walter Lippmann (dans notre livre Walter Lippmann, d’un néolibéralisme à l’autre, 2020) dans la constitution du néolibéralisme : l’objection de Lippmann, à la technocratie de son époque, consistait à dire que l’exercice d’un leadership, à la tête d’une organisation (qu’elle soit étatique ou privée), engendre sa propre compétence, irréductible à toute forme d’expertise scientifique séparée – la compétence du leader est essentiellement liée à l’exercice de sa fonction (dans une perspective qui se veut pragmatique). Les experts scientifiques sont des ressources, mais pas des substituts aux leaders dont toute société qui ne veut pas sombrer dans le chaos (soutient Lippmann) a besoin. Quant aux revendications des « gouvernés », elles ne sont que des symptômes que savent lire les grands leaders. Aujourd’hui, cette thèse – consubstantielle à l’élitisme néolibéral – est souvent qualifiée, elle aussi, de technocratique par ceux qui la critiquent.

(15) Le principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, 1979. On estime souvent qu’il est l’inspirateur de la définition du développement durable issue du Rapport Brundtland, le rapport final, produit en 1987, par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, mise en place en 1983 par l’ONU. « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Une telle définition laisse un immense point d’interrogation : celui de la définition des besoins (y compris le droit de la génération présente à définir indirectement les besoins futurs). L’attitude la plus fréquente, face à cette difficulté, est celle que l’on trouve déjà chez Jonas : s’en remettre à une commission d’experts pour définir ces besoins. Les choses sont en réalité plus complexes chez Jonas, puisqu’il participe d’une perception encore plus élitiste : en réalité, cette inclusion des besoins des générations futures n’est que le substitut d’une éthique « plus haute » – dont bien peu seraient capables, à ses yeux – qui accorde à tout vivant une égale dignité (ce qui rattache Jonas au mouvement de l’écologie profonde). L’« heuristique de la peur » (amener les gens à admettre les réquisits d’une telle éthique par la menace des conséquences environnementales) se comprend dans cette perspective, fortement élitiste. C’est également en référence au « principe responsabilité » de Jonas qu’est formulé, dans la Déclaration de Rio, le « principe de précaution ».

(16) https://www.arte.tv/fr/videos/094503-000-A/le-systeme-total-anatomie-d-une-multinationale-de-l-energie/

(17) Du temps acheté : La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique (2013), Paris, Gallimard, 2014, pour la traduction française. Le sociologue allemand joue sur l’expression anglaise buying times, équivalent du français « gagner du temps ». Il montre comment toute la gouvernance politique et économique, depuis 1945, se comprend en tirant les leçons de la Grande Dépression des années 30, et en intégrant la critique marxiste du capitalisme : oui, le capitalisme est structurellement voué à la crise, donc il ne va pas s’effondrer puisqu’il a toujours survécu en cultivant l’art de toujours repousser sa crise ultime – il est fait pour avancer sous menace critique. Ce qui revient à dire que la gouvernance capitaliste repose sur la capacité à absorber toutes les critiques, et tous les modes alternatifs de conduite sociale (ex. Le management intègre petit à petit toute l’expérience associative et libertaire, depuis les années 30, pour en faire des techniques de contrôle du salariat). Son ethos repose sur l’art de forger des consensus qui lui sont favorables (typiquement le compromis social d’après-guerre), en prenant le temps de retraduire toutes les exigences sociales, avant de les satisfaire : il a l’art de gagner (acheter) du temps. Si Streeck ne le fait pas (pas plus qu’il n’irait jusqu’à réduire, comme je le fais, le compromis d’après-guerre à une stratégie du Capital), on peut tout à fait comprendre le délai imprimé aux mesures écologistes comme une semblable stratégie, dont le climato-scepticisme ne serait qu’une étape provisoire.

(18) Pas de références précises : c’est une tournure orale récurrente que nombre de témoins lui attribuent.

(19) Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Seuil, 2012. C’est à cet historien que l’on doit aussi d’avoir établi que jamais, dans l’histoire de ces trois derniers siècles, une source d’énergie n’en a remplacé une autre, dans un régime de croissance économique. 2021 vient confirmer ce constat : cette année bat les records de consommation d’énergie tirée du pétrole, du renouvelable, du nucléaire et du charbon – tout à la fois ! Y compris dans les consommations indirectes d’un pays comme la France, qui a pourtant officiellement mis fin à son industrie du charbon ! C’est un argument fort contre tout technosolutionnisme visant le remplacement des énergies carbonées par des énergies non-carbonnées, sans s’engager dans une quelconque décroissance.

(20) Ecofascismes, Editions Grevis, 2022. Précisons que ce géographe est résolument écologiste.

(21) Ibid. Dans la deuxième partie du livre, il revient notamment sur l’écologie intégrale et les déclinaisons réactionnaires de l’encyclique du pape François Laudato Si (qu’illustre bien la revue Limites, issue principalement de jeunes acteurs de la Manif Pour Tous, comme Marianne Durano et Gaultier Bès), mais aussi toutes la nébuleuse tournant autour d’Alain de Benoist, du GRECE et de la revue Krisis, et bien d’autres, qui s’attèlent, depuis le début des années 80, à transposer, dans un langage réactionnaire et/ou fasciste, un certain nombre de thématiques écologistes disponibles, du fait de l’affaiblissement des courants écologistes radicaux : l’enracinement, le primat du local, le besoin de faire communauté, la critique de la technologie moderne, l’égale dignité des vivants (qui devient vite un argumentaire anti-IVG), ou même simplement l’idée ambiguë que la nature fournit des normes aux sociétés humaines (qui fournit tous les prétextes d’un nouvel « ordre moral », voire une renaturalisation du racisme, via l’interaction supposée adaptative de chaque culture à un environnement naturel immuable). Si ces thèmes, sous leur forme fascisée, ne passent pas encore durablement la rampe de l’existence médiatique du FN/RN, on relève déjà des frémissements, bien antérieurs aux récentes références de Marine Le Pen à une « société écologique » : qu’il s’agisse de Bruno Maigret et Pierre Vial, dans les années 90, ou plus récemment de Laurent Ozon et de la création du parti Les Localistes (microparti satellite du RN et spécialisé sur ces questions, fondé par Hervé Juvin et Andréa Kotarac). Antoine Dubiau en tire la nécessité de reprendre à bras le corps un travail intellectuel de fond sur ces thématiques, mais il oscille entre une nécessaire co-construction démocratique des savoirs – que j’appelle aussi de mes vœux – et une surenchère de recours à l’expertise (exemplairement les analyses du territoire tirées de sa discipline, la géographie), sur fond de redoublement de la rhétorique de la menace – aux menaces environnementales s’ajouteraient les menaces écofascistes.

   12 décembre 2022 - Groupe d'action LFI du Clunisois

Contribution du Groupe d’Action LFI du Clunisois au débat sur l’affaire Quatennens

Depuis le 18 septembre, une drôle de musique circule dans nos cercles militants, une musique que nous attendions plutôt de nos adversaires politiques : “laissez la justice faire son travail !”, “ce sont des histoires d’amour intimes, complexes et nous ne devons pas nous en mêler”, “il doit bénéficier de la présomption d’innocence”. Des déclarations mêlant réflexe d’affection et juridisme1 prudent. En tant que militant.e.s de la France Insoumise, engagé.e.s dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS), nous ne sommes ni les amis d’Adrien Quatennens, ni ses juges. Certes nous n’en sommes pas aux scandales de La République En Marche à propos de Gérald Darmanin ou Damien Abad, par exemple. Mais nous attendons davantage d’un mouvement comme le nôtre et souhaitons proposer notre réflexion à ce débat. Notre réaction publique à cette affaire doit être politique et militante : elle doit être en phase avec les enjeux sociaux (ici, les violences faites aux femmes) et les valeurs (féministes) que nous portons. Elle doit respecter la nature de notre mouvement : un mouvement populaire, “ouvert” et “évolutif”, et non un parti d’avant-garde dépendant de ses leaders.

Notre travail de militant.e.s

Qui peut nier, en effet, que les violences faites aux femmes est aujourd’hui un problème social de premier plan ! En France, 213.000 femmes subissent chaque année des violences sexuelles et sexistes2. Parmi leurs agresseurs - souvent des proches, quasiment tous des hommes - seule une infime minorité font l’objet d’une procédure judiciaire et encore plus rares sont les condamnations. A titre d’exemple, concernant les viols : 10% seulement des victimes portent plainte, et seulement 1% de ces plaintes aboutissent à une condamnation. Donc, 0.1% des viols sont condamnés en France. Pourtant, les études de criminologie et les enquêtes de victimation montrent que les fausses accusations ne représentent que 2 à 10% des plaintes3 (rappelons en outre que, dans cette affaire, Adrien Quatennens a reconnu une partie des accusations pesant contre lui). Si on ne peut pas assimiler toutes les VSS à des viols, ces données n’en illustrent pas moins déséquilibre immense entre la réalité des VSS et leur traitement judiciaire. En tant que militant.e.s, on ne peut pas partir du principe qu’une femme ment quand elle accuse son conjoint de violence, car nous manquerions ainsi de soutenir ces 99.9% de femmes victimes qui n’auront jamais justice ! On ne peut pas non plus en tirer des conséquences tièdes sur le rôle qu’un homme, ainsi accusé, est supposé devoir jouer dans un mouvement qui assume des valeurs féministes ! Un mouvement féministe a pour rôle de soutenir toutes ces femmes pour que cesse l’impunité de la violence des hommes sur les femmes. Cela implique de refuser qu’une personne accusée de violence par sa conjointe représente le dit-mouvement.
Il en va donc de notre lucidité et de notre sincérité. C’est aussi simple que cela. Les valeurs que nous partageons sont l’un des ciments les plus solides et les plus honorables de notre mouvement, et ces thèmes féministes en font pleinement partie. Les exigences des militant.e.s aujourd'hui - et notamment celles des jeunes générations - sont immenses. Ne pas l'entendre serait une erreur.

Le travail de la justice, la place de l’humain

Il ne s’agit pas d’incriminer ici le travail de la justice, mais de souligner la difficulté du traitement judiciaire des VSS et leur importance pour notre société. Une réaction politique ne doit bien sûr pas remplacer la justice ni oblitérer l’humain et l’amitié. La justice doit faire son travail. L’avenir en commun ne prône pas la création d’un tribunal se substituant à la justice ordinaire, qui condamnerait une personne sur une seule accusation.
Aussi, et jusqu’à preuve du contraire, les ami.e.s d’Adrien Quatennens n’ont aucune interdiction de le voir, de lui parler, d’entretenir des liens avec lui. Même pour une personne coupable de faits de violences, quelle qu’en soit la gravité, notre programme prône de “discuter avec elle, l’écouter et d’éviter qu’elle se trouve isolée et désocialisée”. C’est sûrement là la place des ami.e.s d’Adrien Quatennens, qu’il soit réellement coupable ou non.

L’indispensable démocratie d’un mouvement féministe

Nous voulons simplement que le respect de la justice et des amitiés privées n’efface pas les conséquences politiques de cette affaire. Et sur ce point, l’affaire Quatennens pose une question cruciale. Pourquoi tant de volonté, chez certains de nos camarades, de voir revenir une personne accusée de violence sur son ex-compagne ? Parce qu’il serait “un bon homme politique”, répondent ses soutiens. N’y a-t-il personne d’autre de “bon” à la FI ? Sans doute que si ! Cette affaire révèle donc un problème d’organisation dans notre mouvement qui - malgré nombre de figures militantes émergentes - a déjà du mal à accepter un turn over de ses figures de proue. Une structure qui peine à puiser dans cette force immense que constituent 300.000 militant.e.s et 7.700.000 voix à l’élection présidentielle. Les arguments sur les qualités d’Adrien Quatennens qui justifieraient son maintien démontrent bien souvent une personnification et une idolâtrie inquiétantes pour notre mouvement.
Décider collectivement de changer de leader est un choix stratégique et politique d’un mouvement populaire, qui ne devrait pas provoquer tant de remous. Nous estimons simplement, avec d’autres, qu’il ne peut plus être l’un de nos leaders politiques.

On passe le relais… et la lutte continue

La France Insoumise est un programme politique, une vision du monde, une histoire militante et collective. Et dans un tel mouvement, la bonne conduite d’un leader politique, vraiment attaché aux valeurs féministes et démocratiques qu’il a défendu dans son programme, serait de se retirer du premier plan, de démissionner de son mandat, de laisser ses camarades - nombreux et compétents - assumer le front médiatique et le combat parlementaire.

Groupe d'action LFI du Clunisois

1 Juridisme : Attitude de quelqu’un qui s'en tient à la lettre des lois
2 Chiffres tirés de l’enquête “Cadre de vie et sécurité” 2019 du Ministère de l’Intérieur : bit.ly/3W3HyHq
3 “False Allegations of Sexual Assualt: An Analysis of TenYears of Reported Cases” : bit.ly/2P5DJPQ

   2 novembre 2022 - Arnaud Milanese

Un « vent de sottise » souffle sur nos campagnes, ou comment le lobby nucléaire croise nationalisme et biodiversité

La fédération d’associations « Vent de sottise » vient d’envoyer un courrier aux députés et sénateurs de Saône-et-Loire pour les convaincre de s’opposer au projet d’accélération des énergies renouvelables débattu à partir du 4 novembre prochain. « Vent de sottise » est une fédération de près de 30 associations, opposées aux projets éoliens du département, au nom de la défense du patrimoine, des paysages et de la biodiversité. Elles ont aussi souligné les limites de projets qui visaient à raser une partie des forêts, artificialiser des dizaines d’hectares, pour un bénéfice écologique contestable. Des membres de ces associations ont reçu ce courrier, pour l’envoyer personnellement aux élus s’ils l’approuvent, contournant ainsi l’espace d’intelligence et d’action collectives que doit être une association.
La question de l’éolien terrestre industriel est complexe. On parle là de ces éoliennes qui vont de 75 à 250 mètres de haut, produisant, en alternance avec des centrales au gaz naturel, de l’électricité réinjectée dans le réseau national de transport électrique. De tels projets sont souvent soutenus comme un moindre mal (plutôt une éolienne qu’une centrale nucléaire), et sont trop rarement étudiées comme un produit du mirage de la « croissance verte » et de ce que nombre d’écologistes appellent le « techno-solutionnisme » (la croyance que la technologie fournira, seule, des solutions à la crise écologique, sans changer nos modes de vie). Signalons, entre autres enquêtes, Les mirages de l’éolien de Grégoire Souchay, une publication de Reporterre (pas vraiment une source anti-écolo…). Bref, cet éolien mérite une véritable réflexion collective.
Est-ce ce que vise le courrier de « Vent de sottise » ? Un courrier de sept pages, long et technique, mais dont se dégagent des formulations tout ce qu’il y a de plus clair. La première page attaque la « politique du ‘tout pour les énergies renouvelables’ » que viendrait servir ce projet de loi. Une politique que mènerait la Commission européenne pour « imposer à l’ensemble des Etats membres » une même politique énergétique « sous l’influence de l’idéologie ‘verte’ surtout anti-nucléaire et celle de nos amis Allemands, ralliés à la cause anti-nucléaire à la suite de Fukushima et fervents partisans d’un éolien qui rapporte beaucoup à leur économie ».
Mais de quoi parle-t-on ?! Où est cette « idéologie verte » supposée si puissante, alors que les engagements de décarbonation de l’économie, largement insuffisants, ne sont globalement pas tenus ? Les centrales au gaz naturel sont admises aux subventions européennes au nom de la décarbonation !! Ce courrier omet de dire que c’est à titre de transition, et le nucléaire l’est aussi à certaines conditions (produire de l’hydrogène). A ces omissions s’ajoutent des contradictions : rappeler que l’éolien terrestre est couplé à une production au gaz naturel, mais soutenir en même temps que l’Allemagne promeut cette politique à cause du renchérissement du gaz naturel !
Il s’en dégage un soutien constant au nucléaire, l’imputation à l’Allemagne des dommages de l’éolien industriel, le tout en usant des réticences de beaucoup à l’égard de la Commission européenne. On reconnaît sans peine une combinaison suspecte entre le lobby nucléaire et des thématiques nationalistes, pour ne pas dire plus (voir par exemple « Anti-éolien : gare au retour de flammes », Revolution énergétique, 10 juin 2021). Le tout venant exploiter des frustrations parfois légitimes : pourquoi sacrifier, au nom d’une mise au vert de l’énergie pour ne rien changer à nos vies, ces lieux ruraux où, justement, s’inventent des manières de vivre autrement ?
Disons-le clairement : il peut y avoir des raisons écologiques profondes de s’opposer à nombre de ces projets éoliens terrestres, mais ce communiqué ne s’en fait aucunement l’écho. Alors ne nous laissons pas confisquer ce débat.

Arnaud Milanese

   24 octobre 2022 -

La couverture de la crise libanaise


Ce matin, alors que j’écoutais France Info, comme 2 millions et demi de Français.e.s tous les matins, un sujet m’a particulièrement interpellé : la crise au Liban.

Des épargnants libanais sont contraints de « braquer leur propre banque » pour obtenir l’argent qu’ils y ont déposé. Il se trouve que je connais un peu ce pays, y comptant beaucoup d’amis. J’y ai séjourné en 2017, en travaillant pour une association de coopération internationale œuvrant au Liban. Pour étoffer un peu le contexte, il faut rappeler le calvaire que vit ce peuple. Des personnes appartenant à ce qu’on pourrait appeler la « classe moyenne supérieure » du Liban ne peuvent même plus acheter de viande, de médicament, de lait, d’eau, de carburant. Le pays manque de tout. L’électricité n’est disponible que deux heures par jour, internet encore moins.
Pour illustrer la situation, l’un de mes amis libanais me racontait l’anecdote suivante : « il y a des usines de production de fromage au Liban. Elles rejettent de l’eau usée ayant servie à la fabrication du fromage. Celle-ci est impropre à la consommation mais contient des traces de lait visibles dans sa couleur blanchâtre. Il y a des gens qui font la queue pour récupérer cette eau et la donner à leur bébé car le lait infantile est devenu trop rare, et trop cher ».
Les problèmes sont nombreux au Liban, leurs racines aussi. Il serait difficile de les synthétiser et d’autres spécialistes, chercheurs et médias s’en chargent beaucoup mieux que moi.

Ce que l’on peut cependant affirmer avec un peu de certitude sur ce pays, c’est que le Liban n’est pas un pays socialiste. Ce n’est même pas un « welfare state » avec une protection sociale forte. Le Liban est un pays du capitalisme débridé, où tout s’échange et se vend. On a d’ailleurs longtemps qualifié le Liban de « Suisse du Moyen-Orient ». Dans cette enclave entre la Syrie et Israël, une caste de rentiers, petit groupe de chefs de clans parfois violents, prospère par son immense fortune, son patrimoine foncier et financier.
Ainsi j’ai été déçu – mais pas étonné – en écoutant encore une fois toutes ces tristes actualités concernant le Liban. Quand il s’agit de la crise au Liban, les médias tentent de l’expliquer tantôt par le système confessionnel, la zone géographique agitée, la guerre civile aux cendres encore chaudes, etc. Mais jamais, au grand jamais, le mot capitalisme n’est prononcé. Ce système économique qui régit les échanges, les rapports de pouvoir, les inégalités, la position sociale des Libanais.e.s, n’existe pas. Il n’est jamais cité comme une cause possible de tous les maux du pays. Le capitalisme est un discret innocent dans les maux du Liban.

Et, relevant cet angle mort dans le sujet de France Info, j’ai repensé au Venezuela. En effet, ce pays a été l’un des laboratoires du socialisme sud-américain du début des années 2000. Confronté – comme le Liban – à une très grave crise financière et économique dans les années 2010, le Venezuela n’a pas fait l’objet du même traitement médiatique. Exit les explications géopolitiques, les conflits ethniques, l’histoire du pays. Le socialisme était le seul et unique responsable des malheurs du pays. Pourtant, aucune analyse n’était faite du caractère « socialiste » - ou non - de l’économie vénézuélienne.
La question était toute tranchée : le socialisme a démontré son vice au Venezuela. En tout cas, le coupable c’est le socialisme ! Le pouvoir vénézuélien est autoritaire et corrompu ? C’est la faute du socialisme ! Le pouvoir vénézuélien est incapable de gérer la crise économique et monétaire ? C’est également la faute du socialisme !

Je ne suis spécialiste d’aucun des deux pays, les explications sont certainement multiples dans les crises qui les touchent. Force est de constater cependant que, pour les médias, la réponse est toute simple : le socialisme aurait échoué au Venezuela. Sous-entendez qu’il échouera partout. Par contre, le capitalisme n’est pas la cause de la crise terrible du Liban, on peut continuer le « business as usual ».

Valentin Bertron

   20 octobre 2022 - Arnaud Milanese
 

La "banalité" du 49-3

Elisabeth Borne dégaine – oh ! Surprise ! – le 49-3. Et il faut en prévoir une dizaine pour passer la loi de finance. Au nom de l’impérieuse nécessité de disposer d’une loi budgétaire. Un scandale répété à chaque fois qu’un gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée. Alors, Banal Song ? A voir...

Finies les illusions. Finis les commentaires candides : finalement, notre Constitution permettrait un régime parlementaire, qui ne fonctionne pas si mal. J’étais de ceux qui soutenaient que les législatives peuvent renverser un rapport de force établi aux présidentielles. Mais croire que la 5e République permet un régime délibératif entre groupes équilibrées à l’Assemblée, c’est bien de la naïveté. Tester un régime parlementaire avant de changer notre Constitution, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Puisque, on le voit bien, elle ne le permet pas.
Les jeux étaient faits le 14 octobre, lorsque l’Assemblée a pris des décisions contraires aux avis d’Elisabeth Borne et Bruno Lemaire, sur la taxation du Capital. C’était une victoire, mais on savait dès lors qu’elle serait balayée par le 49-3. Ce sera chose faite, sauf si – issue improbable – le gouvernement est renversé.
Banal Song, entend-on ici ou là. Qu’attendre d’un gouvernement qui n’a pas de majorité et qui veut tout de même gouverner ? Et puis, il ne passe pas en force, puisqu’il peut toujours être renversé. Quelle mauvaise foi ! Trouver une majorité contre un avis du gouvernement, et en trouver une pour le renverser, ce n’est pas la même chanson, et tout le monde le sait. Cela ne légitime pas pour autant ce qu’il se passe.
Pire, tous les 49-3 ne se ressemblent pas. Que vont révéler ceux-ci sur la Macronie 2.0 ? C’est une chose de dégainer le 49-3 pour se sortir de stratégies d’obstruction. C’en est une autre de mettre fin à une série d’amendements contraires aux avis du gouvernement. Et c’en est encore une autre d’user de cette arme pour balayer des décisions déjà prises par les députés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit cette fois : non pas contourner une Assemblée bloquée, mais contourner une Assemblée, point. Finie la taxation des superprofits ! Fini le rétablissement de l’exit tax ! Balayées, ces décisions collectives soutenues par des majorités sans appel. Un « coup d’État permanent », disait celui qui a le plus longtemps profité des largesses de la 5e République…
Alors que faire ? Le 14 octobre, Bruno Lemaire se félicitait de la « qualité des débats » à l’assemblée, et Gabriel Attal s’en remettait à sa « sagesse ». Aujourd’hui, une fois passées la marche du 16 octobre et la grève du 18, la chanson est tout autre. Même pas peur de la motion de censure et de l’opinion publique ! « Les Français se diront juste qu’un budget a été voté et que l’exécutif ne s’en est pas trop mal tiré », entend-on au gouvernement. Voté ?! « Le premier est le plus dur. Après cela, le 49-3 sera quasiment banalisé », complète une députée Renaissance (Mediapart, 19 octobre). Si d’aventure on n’avait pas bien compris.

Après l’ère des députés godillots viendrait l’ère des citoyens godillots ? Le voilà leur monde d’après ? « La raison du plus fort est toujours la meilleure », disait le loup à l’agneau. Toute la question est là maintenant : sommes-nous des agneaux ? C’est la seule incertitude que laisse la Constitution, pour ne pas « banaliser » en France un régime présidentiel pur et dur.

Arnaud Milanese

   14 octobre 2022 - Arnaud Milanese
 

Leur "sobri-austérité"

Le 3 octobre dernier, le groupe RN du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté lançait une vaste calomnie par voie de presse contre la majorité de gauche et de l’écologie. Elle serait responsable du déficit régional : trop pour les migrants, les associations, l’art et l’éolien ; trop peu pour les Bourguignons et les Franc-Comtois. Voilà cette « sobri-austérité » dont il l’accuse : derrière la sobriété, la gauche masquerait des politiques d’austérité, donc de droite. La « sobriété » d’aujourd’hui serait la « rigueur » des années 80. Cet abject communiqué va jusqu’à rendre la gauche co-responsable de la flambée des énergies !
A cela, ce communiqué oppose la « priorité régionale » : des coupes franches et immédiates dans les dépenses incriminées, et une concentration sur « l’enseignement, l’aide aux entreprises, le soutien au pouvoir d’achat et à la rénovation thermique ». Les groupes RN des différentes assemblées n’ont jamais rien fait pour l’enseignement et la rénovation thermique, et son programme ne comporte rien sur le pouvoir d’achat – sinon favoriser Marine Le Pen et les autres riches en baissant les impôts et en supprimant les droits de succession. Migrants et riches – ses bouc-émissaires et ses donneurs d’ordre.

Ce communiqué du RN serait sans intérêt s’il ne donnait l’occasion d’une franche mise au point:

"Mesdames, messieurs du RN. Vous suivez la presse et la vie politique comme nous. Qui parle le langage de la « sobri-austérité », des efforts, des restrictions – aujourd’hui volontaires et demain forcées – sinon votre allié objectif à l’Assemblée, la Macronie ? Nous avons vu les différents votes, c’est sans appel sur votre rôle de bouffon du roi. Quand ils parlent de « fin de l’abondance », ils veulent l’écologie des menaces, d’un monde où les contraintes sont renforcées, tout en privant une partie des gens des moyens d’y faire face. Et vous en êtes complices.
Vous refusez en paroles cette « sobri-austérité », mais ne voulez rien changer, n’avez rien à répondre aux peurs écologiques des jeunes qui s’étalent à longueur de sondages. Nous n’avons pas oublié ce 29 mars 2017, quand Marine Le Pen déclarait à la BBC : « Les grandes lignes politiques que je défends sont celles défendues par Trump et Poutine ». Le climato-scepticisme, après nous le déluge. Vous préparez à nos enfants ce monde austère dont vous parlez, et n’avez même plus le courage de l’assumer. Ce mode de vie dont G. W. Bush disait qu’il n’était pas « négociable » ne survit qu’en en privant toujours plus de gens, et vous le savez : aujourd’hui les migrants et les plus pauvres, demain tous nos enfants – tout le monde.
Nous sommes au contraire les plus réalistes et les plus responsables, nous savons que l’on peut vivre autrement. Parce nous avons le privilège d’avoir pu tenter de vivre autrement, nous savons que c’est possible, qu’on peut le partager, et que, plus on partage ce projet, plus il est fort et durable. Il est juste par nature. C’est cela l’écologie des solutions : bâtir une vie où les richesses sont mieux distribuées et de meilleure qualité.
Voilà pourquoi nous sommes les seuls à refuser cette « sobri-austérité », au fond. Nous sommes les seuls à ne pas mentir, en soutenant qu’un autre monde est possible, et meilleur à tout point de vue si l’on est assez nombreux à le bâtir. Et pour cela, faire payer ceux qui ont bâti leur fortune et leur pouvoir sur la base de l’ancien monde est un point de départ indispensable. Nous ne sommes pas tous responsables du passé, mais pouvons tous être acteurs et bénéficiaires de cet avenir. Alors cessez de le condamner, continuez à ne rien faire, mais laissez-nous traiter les problèmes que votre monde nous a lègués."



   10 octobre 2022 -
 
À quand une analyse des besoins sociaux à Mâcon ?

Aujourd’hui, 5,6 millions de ménages seraient en précarité énergétique en France, dont 2,3 millions de familles modestes. Cela représente plus de 12 millions de personnes et 20,4 % des ménages.
Qu’en sera-t-il en 2023 ?
Avec la hausse des coûts de l’énergie, des loyers, des produits de première nécessité et les 5 millions de passoires thermiques que compte notre parc de logements, de plus en plus de ménages n’auront plus les moyens de se chauffer correctement sauf à se ruiner pour le faire. Cette précarité extrême aura de graves conséquences sur leur alimentation, leur santé et leur budget.
Les réponses des pouvoirs publics restent faibles et sans ambition, saupoudrage d’aides directes au paiement des factures d’énergie et aides limitées et sous conditions à l’amélioration de la performance énergétique des logements.
Et du côté de la mairie de Mâcon ?
L’hiver sera bientôt là, il va sans dire que les élus de la majorité vont prendre des mesures à la hauteur du drame social qui attend un bon nombre de nos concitoyens. Pour cela ils vont sans doute s’appuyer sur l’analyse annuelle des besoins sociaux du CCAS puisque celle-ci est toujours obligatoire dans l’année civile suivant le renouvellement des conseils municipaux.
Et bien non, pas d’analyse de ce type à Mâcon et pour trois principales raisons : ça coûte, il n’existe pas de pénalités contraignantes dans le cas du non-respect de cette obligation et sans doute aussi, la gêne d’être confronté aux véritables attentes de la population mâconnaise.
Pourtant c’est une réalité, la précarité ne cesse d’augmenter. D’ailleurs, depuis cette année, ce que l’on remarque à la commission permanente du CCAS, c’est la multiplication des demandes d’aides énergétiques (factures d’électricité et de gaz) ainsi que des demandes d’aides au règlement des loyers.
En 2020, le collectif Mâcon citoyens avait suggéré des mesures ambitieuses qui auraient pu être mises en place dès les premiers mois de l’actuelle mandature afin de refonder des politiques sociales adaptées à la réalité des besoins sociaux de la Ville.
Ces mesures mises en place auraient limité les effets de cette crise sociale.
En voici quelques-unes :
• Analyse des besoins sociaux sur l’ensemble de la ville et communes associées avec la participation des habitants.
• Renforcer le partenariat Ville/CCAS par une augmentation de la dotation en lien avec l’analyse des besoins locaux.
• Actions d’intérêt général en fonction de l’analyse des besoins avec la création de postes d’agents de développement et de médiateurs sociaux.
• Création de conseils de quartiers habilités à se saisir de tous les aspects de la vie quotidienne en lien avec le Conseil exécutif Municipal.
• Accès sans délai aux premières nécessités (eau, électricité, chauffage, sanitaires, douches…) dans des situations de grande précarité.
• Réalisation d’un diagnostic énergétique des bâtiments sur toute la commune couplé à un plan de soutien à l’isolation thermique des bâtiments.
• Budget participatif pour consolider la solidarité entre habitants et publics défavorisés.
• Octroi de subventions aux associations sur des critères de solidarité et de mobilisation citoyenne.
• Des évènements associatifs à caractère social ou liés à l’économie Sociale et Solidaire autour de l’échange et de la gratuité (alternatiba, gratiferia).
• Local pour stockage de matériels et denrées alimentaires mis à disposition des collectifs et associations afin de gérer les situations d’urgence.
• Simulation systématique des droits en matière d’aides sociales auprès des nouveaux arrivants. Renforcer le Secours guichet (aide alimentaire, logement, santé, mobilier).
• Des hébergements vides appartenant à la commune mis à disposition des structures sociales d’hébergement. …
Nous devrions tous être acteurs contre la pauvreté et la précarité.

Éric Ponchaux

Egalement publié sur Mâcon-Infos (le 10 octobre)

   31 août 2022 - Arnaud Milanese

Vive la rentrée des classes !

Bientôt la rentrée des classes. Il est temps ! Nos cher.e.s petit.e.s semblent avoir un peu oublié leurs leçons. Qu’on en juge !

Bruno Le Maire : « Les superprofits, je ne sais pas ce que c’est », a-t-il déclaré en plein oral du Medef. Il faut dire qu'on a affaire à un cancre. Souvenez-vous, ministre de l'agriculture, il avait séché sur une question plutôt facile: la surface d'un hectare... Peut-être, cette fois-ci, voulait-il plaire à ses examinateurs.

Peut-être, surtout, aurait-il dû copier sur sa voisine, Élisabeth Borne, prête, elle, à réfléchir à la taxation des superprofits. Donc elle sait ce que c'est ! Avait-elle révisé ? Pas tant que cela, en fait : pour taxer les superprofits, à l’heure où une pétition dépasse largement les 50000 signatures favorables, elle dit attendre… les initiatives des entreprises. Mme Borne : rouvrez vos cahiers – les taxes, c’est l’État qui en décide, pas les entreprises !

Il faut dire qu’avec un professeur comme Geoffroy Roux de Bézieux, président du Médef, il y a de quoi rester confus : l’État serait le plus grand bénéficiaire des superprofits. Est-ce qu’il ne faudrait pas justement pour cela instaurer la taxe en question ?! Peut-être les vacances et l’été ne sont-ils pas seuls responsables du trouble dans la tête de nos cher.e.s petit.e.s...

Allons donc voir si, ailleurs, les leçons sont de meilleure qualité et leur transmission, plus efficace. L’Agence Internationale de l’Énergie est on ne peut plus claire : 200 milliards d’euros, c’est la somme des profits exceptionnels que vont engranger les entreprises pétrolières et gazières grâce à la crise, cette année. Face à cela, Italie, Espagne, Royaume-Uni mettent en place une taxe exceptionnelle de 25 %. En Espagne, elle concerne même les banques et les compagnies d'électricité qui bénéficient de ces superprofits. En Allemagne, la réflexion est en cours et va probablement suivre le même chemin. Une idée d’extrême-gauche, donc ! L’Europe aurait-elle basculé sans qu’on s’en aperçoive ?

Qu’on se rassure : une telle taxe sera indolore pour le capitalisme, mais elle aura au moins le mérite de donner des marges d’action à l’État. Pour financer la transition écologique, par exemple, ou pour aider les plus démunis à se chauffer cet hiver, ou à se déplacer. Même si notre Sénat s'y refuse ! Bruno Retailleau (LR) déclarait il y a peu : « Dire aux Français que la solution ce sont les taxes, c’est leur mentir ». On peut effectivement penser à quelques autres mesures, si c'est bien une solution que l'on cherche. On peut en discuter...

Alors la rentrée des classes arrive à point en France, qui semble la seule à oublier ses leçons de capitalisme : oui, M. Le Maire, les entreprises doivent produire des profits (ça aussi, on pourrait en discuter) mais un peu de décence tout de même. Sinon cette rentrée des classes pourrait prendre un tout autre sens. Ce qu’on va de toute façon souhaiter : il est temps que les classes populaires rentrent enfin dans leurs droits politiques. Et pour cela, ces taxes sont insuffisantes, mais tout de même nécessaires. Il est temps !

   30 août 2022 -
 

Le groupe Écologistes et Solidaires demande plus de moyens pour les trains en Bourgogne-Franche-Comté

Avec 30 % des émissions, les transports constituent le premier secteur de rejet de CO2. 95 % sont dus au routier et à l’aérien et seulement 0,3 % au ferroviaire.

En France plus de 7 millions de foyers souffrent de précarité liée à la mobilité, dépendants de la voiture tous les jours pour tout faire. C’est une double peine. La Région Bourgogne Franche-Comté est d’ailleurs la plus touchée des régions françaises.

Face au choc climatique de cet été, l’appel du Président de la République à une société de la sobriété doit se traduire très vite dans les actes.

Dans ce contexte, nous saluons la déclaration du vice-président aux transports de la Région qui partage la position des écologistes : il faut plus de moyens financiers sur la rénovation et la régénération du réseau ferroviaire.

En effet les 2,8 millions du Contrat de Performance entre l’Etat et SNCF Réseau sont nettement insuffisants au regard de l’inflation, de l’explosion du coût des matières premières, du sous-investissement pour moderniser le réseau ces 30 dernières années.

Ce renoncement nous cantonne dans un cercle vicieux délétère : désinvestir, c’est laisser volontairement se dégrader le réseau. Il devient inutilisable et entraine une chute des fréquentations et donc des fermetures des lignes au profit des cars et de la voiture.

Amorçons au contraire un cercle vertueux, à l’image de la Suisse, de l’Allemagne, de l’Italie qui affichent 30 % de part modale en faveur du train, contre 10 % en France. Ils investissent 10 milliards/an dans la régénération du réseau accompagné d’une véritable politique de l’offre qui a boosté la fréquentation.

Les écologistes refusent que la Bourgogne-Franche-Comté soit une victime collatérale du sous-investissement. En effet, SNCF Réseau, par manque de moyens alloués par l’Etat, envisage une France à deux vitesses : celle des lignes à fort trafic bénéficiant d’investissements, et essentiellement ciblées en Ile de France, et celles des lignes à faible trafic que l’on abandonne.

C’est pourquoi, dans le cadre des échanges consacrés au contrat de plan mobilités entre l’Etat et la Région, nous demandons à l’Etat des moyens pour les lignes Lure/Epinal, la ligne des Horlogers, l’étoile de Paray-Le-Monial et la connexion TER/TGV de la gare Creusot/Montceau/Montchanin.

Enfin, nous interpellons l’ensemble des parlementaires de la Région Bourgogne-Franche-Comté. Ceux-ci doivent œuvrer, dans le cadre du projet de loi de finances, en faveur des moyens conséquents pour rénover les voies ferrées afin que le train redevienne la colonne vertébrale des déplacements en zone urbaine, périurbaine et rurale.

   5 juillet 2022 -

Pistes cyclables dans la MBA

C'est à vous dégoûter de la politique...

Je découvre sur Facebook que notre agglo, Mâconnais-Beaujolais Agglomération, où je suis élu en tant que représentant de Mâcon, et où je siège à la commission "Mobilités durables et enjeux climatiques", a réuni ce jour dans le cadre de son schéma des mobilités 40 élus des communes de l'Agglo, "ceux qui connaissent le mieux le territoire" (dixit la publication) pour établir une politique cyclable cohérente.

Il se trouve que je m'intéresse de très près à ce schéma des mobilités et à ce qui concerne de près ou de loin les déplacements à vélo à Mâcon et autour. Je suis intervenu à de nombreuses reprises en commission et en conseil d'agglo sur ces questions.

Celles-ci m'intéressent car il est crucial de développer l'usage du vélo dans le contexte de crise écologique que nous connaissons. Mais aussi et surtout parce que je suis cycliste et que je sais de quoi je parle. Déplacements du quotidien (y compris emmener le petit à la crèche), loisirs (VTT) et tourisme : je peux affirmer sans rougir qu'à force j'y connais un rayon. J'ai même tenu une chronique dans Libération pendant 7 mois sur ces sujets.

Et je n'ai pas été invité à cette belle réunion d'élus, c'est quand même con !

De deux choses l'une : soit l'Agglo ne prévoit pas de politique cyclable cohérente à Mâcon, et ce serait alors très inquiétant...

Soit, plus probablement, la majorité du président Jean-Patrick Courtois a préféré se passer de mes services parce que je siège dans l'opposition.

Ça vous paraîtra peut-être logique... Il n'empêche qu'ils prouvent ainsi - une nouvelle fois - qu'ils se fichent bien d'être constructifs, qu'ils ne respectent pas les élus qui ne votent pas comme eux, et j'irai même plus loin, qu'ils se moquent de l'intérêt général. Savoir dépasser les clivages, mettre de côté des a priori ou des antagonismes pour faire avancer des sujets dans la bonne direction... c'est vraiment trop pour eux ?


Je ne dis pas que mes connaissances étaient indispensables. Quoique, lorsqu'on fait l'effort d'écouter ce que tout le monde a à dire, on gagne parfois de précieuses années pour faire avancer ces sujets de la meilleure des manières. Mais aujourd'hui je déplore la persistance de ces vieux réflexes chez ceux qui nous gouvernent : croire qu'on sait mieux que tout le monde ce qui est bon, se couper de tout contact avec l'opposition pour pouvoir s'approprier les succès futurs... au risque de se planter.

Parce qu'ils se plantent ! Je ne serais pas autant en colère si leur politique de développement du vélo et des "mobilités durables" était efficace. Mais elle ne l'est pas ! Rien qu'à Mâcon, les aménagements cyclables ne vous mettent pas en sécurité lorsque vous circulez à vélo sur la plupart des itinéraires, pas plus que ces voies ne sont continues ou cohérentes. On manque de stationnement partout. Par contre quand il s'agit de vanter les kilomètres de voies cyclables réalisées, il y a du monde... Ouvrez donc les yeux : beaucoup de gens circulent à vélo sur les trottoirs parce qu'ils ont peur du trafic, et on les comprend. Il faut se mettre un peu à leur place...

J'ai 34 ans et mes deux ans de politique m'ont déjà appris ceci : sans se parler, sans travailler ensemble, nous irons dans le mur. Nous continuerons à gaspiller de l'argent public. L'urgence climatique est une réalité, et elle nous oblige aux meilleures politiques publiques qui soient. Et donc à commencer par s'écouter.

   20 juin 2022 - Gabriel Siméon

Au lendemain des résultats

Au lendemain des élections législatives, il y a les bonnes nouvelles : une majorité obligée de remettre en question sa politique pour pouvoir composer avec l'opposition, elle qui lui a infligée hier une lourde défaite ; et puis le retour d'un groupe écologiste à l'Assemblée nationale, bon sang il y en avait besoin !

Il y a bien sûr la déception de ne pas avoir réussi à arracher ici en Saône-et-Loire un siège de plus pour la Nupes. La marche était haute mais nous l'avons affrontée avec une grande détermination.

Et puis il y a cette chose plus difficile à digérer : le reniement majeur d'Emmanuel Macron et de son parti face au risque que présente le Rassemblement national.

Face à cette extrême droite, un mécanisme électoral a été cassé : le front républicain. Le parti présidentiel lui a porté le coup fatal dans l’entre-deux-tours de ces législatives en ne donnant pas de consigne nationale pour faire battre les candidats RN, alors qu’Emmanuel Macron doit en bonne partie sa réélection face à Marine Le Pen au respect de cette discipline entre formations républicaines. De la part de la majorité sortante, cette absence de réciprocité signe aussi le cynisme d’une manœuvre à courte vue – qui aura finalement contribué à nuire à son propre résultat. (Le Monde, 20/06/2022).

Où sont les vrais républicains, entre ceux qui ne cessent de se revendiquer de ces valeurs mais les oublient pour de basses considérations électorales court-termistes, et cette "extrême gauche", tant pointée du doigt dans cette campagne mais qui sait où demeure l'un de ses grands combats : aucun compromis, aucune faiblesse face à l'extrême droite ?

Et puis il y a cette abstention... Un désintérêt difficile à comprendre pour le militant que je suis. Nous n'avons pourtant pas d'autre choix aujourd'hui que de nous exprimer dans les urnes pour affronter réellement les crises que nous traversons ; notre système de représentation politique est ainsi fait, et les choses changeront trop lentement si nous attendons que tout se règle tout seul, sans nous.

Enfin, il y a ce que je garde de cette campagne haletante : les moments partagés durant plus d'un mois avec cette incroyable équipe de campagne venues de tous horizons et portée par une même envie de réussir. Un travail de fourmi a été mené avec les candidats au plus près des habitants. C'est surtout ça la politique : partager ses idées et travailler ensemble pour assurer un meilleur avenir à tous.

Beaucoup se plaisent à imaginer un délitement prochain de la Nupes. Je parle sur ce que je connais : au niveau local, à Mâcon et au-delà sur le territoire, il n'en sera rien.

On continue.

   10 juin 2022 -

Plainte contre X à propos de la centrale nucléaire de Tricastin

Une information judiciaire a été ouverte pour « mise en danger de la vie d’autrui » à Saint-Paul-Trois-Château (AFP, 9 juin). Si EDF n’est pas nommé, le lieu de l’affaire – la centrale nucléaire de Tricastin – ne laisse aucun doute. A l’heure où la sècheresse menace notre capacité à refroidir les réacteurs (Reporterre, 13 avril), c’est toute la difficulté du nucléaire qui se rappelle à nous.

Suite à son licenciement parce qu’il ne voulait pas taire les manquements à la sécurité constatés sur le site, un cadre de cette centrale porte plainte fin 2021 contre EDF. Dans la foulée, Mediapart révèle que l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) connaissait les faits (2017-2018), ainsi que les pressions subies par le salarié (24 novembre 2021). On parle tout de même d’une surpuissance sur un réacteur, en juin 2017, par exemple, incident non signalé à l’ASN, en violation de l’obligation de transparence qui incombe à l’exploitant.

On répète à l’envi que le nucléaire est plus sûr en France qu’ailleurs, que s’y jouent notre électricité bon marché et notre souveraineté énergétique ! Pourtant… Les incidents nucléaires relevés par l’ASN sont nombreux, et iront croissants avec le vieillissement du parc et le réchauffement climatique. Pire, l’affaire de Tricastin laisse planer un doute : et si cette liste officielle était minimisée ?

Le faible coût de l’électricité est donc artificiel. Il ne tient compte ni de la remise en sécurité (près de 50 milliards d’euros – ActuEnvironnement, 2 nov 2020), ni du démantèlement (sans parler du retraitement des déchets). Pire, la loi plafonne la responsabilité des exploitants à 90 millions d’euros (1968). Or, la Cours des Comptes (2012) estime à 430 milliards d’euros le coût d’un accident nucléaire majeur sur un réacteur de 900MW ! 24 de nos 58 réacteurs sont plus puissants encore, et les scénarios évalués n’incluent pas… la contamination d’une zone urbaine. Ce n’est pas comme si Bugey était à 30km de Lyon, et 60 km de Mâcon ! Avec une responsabilité de 0,02 % au maximum, les exploitants ‘optimisent’ les coûts d’assurance : c’est l’argent public qui est leur assureur !

Enfin, nous importons tout notre uranium depuis 2001. 56 de nos réacteurs sont états-uniens (Westinghouse, disparu en 2017) et nous avons en partie perdu les savoir-faire qu’ils requièrent (Novethic, 1er août 2016). De quelle souveraineté énergétique parle-t-on ?

   8 juin 2022 - Arnaud Milanese
 

Le véritable vote populaire utile

Jusqu’à peu, le Rassemblement National (RN) menait une campagne à bas bruit, répétant en boucle les slogans éculés de la présidentielle : ‘nous’ sommes la véritable opposition à Emmanuel Macron ; ‘nous’ sommes le parti du pouvoir d’achat. On peut pourtant en douter. Comment le RN pense-t-il donc atteindre ces deux objectifs, puisqu’il ne peut ni ne veut gagner ?

Marine Le Pen vise 150 députés, les sondages lui en promettent 60 au mieux : le RN sera dans l’opposition. Pire, il ne se donne pas les moyens de gagner. Trop de candidats y font campagne sans préparation (des vidéos gênantes de candidats RN en témoignent). Pire encore, Marine Le Pen considère depuis le début que le vainqueur des présidentielles doit gagner les législatives (Ouest-France, 10 mai). C’est mal connaître les institutions, et priser plus que de raison la monarchie présidentielle !

Pour gagner, il fallait rassembler son camp. La chose était aisée pour LREM/Renaissance : elle ne vit que d’Emmanuel Macron ! Mais cela demandait une réelle vigueur politique du côté de la gauche. Marine Le Pen n’a, elle, eu ni le courage ni la légitimité de tendre la main à Eric Zemmour ou Florian Philippot. Pire, elle a refusé l’alliance proposée par Eric Zemmour. Son but n’était pas de gagner pour ses idées, mais d’exister politiquement pour elle-même.

Que se passe-t-il depuis son discours d’Hénin-Beaumont (Le Monde, 5 juin) ? Une attaque en règle contre la NUPES. Ecoutons-en les motifs principaux ! Des attaques personnelles contre Jean-Luc Mélenchon et des punch-line anti-immigration (parlant même de « prédateurs d’en bas » à propos des « cités »…). Rien sur les programmes des adversaires, rien de concret sur les plus démunis. Sinon l’éternelle réaffirmation de la défense du pouvoir d’achat.

Mais de quelle manière ? Rien hormis une baisse ciblée de la TVA. Alors, oui, la TVA est l’impôt le plus injuste, et il faudra s’y attaquer, mais est-ce la priorité pour les gens ? La TVA constitue 70 % du budget de l’État, et l’action publique est la seule chose qui nous préserve encore d’inégalités criantes. Elle divise par 4 les écarts de revenus entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres. Les deux tiers des Français bénéficient plus de l’action publique qu’ils ne paient d’impôts. Qui veut-on enrichir et qui veut-on appauvrir en baissant les impôts ? Et quid des droits de succession ? Le RN ignore-t-il que 50 % des Français possèdent 92 % du patrimoine en France, et que 5 milliardaires possèdent plus que 27 millions de Français ?!

La NUPES propose, elle, un programme réaliste, salué par la plupart des économistes non affiliés au pouvoir en place. Quelle chance de n’avoir pas à choisir entre économie, écologie et justice sociale ! Alors pourquoi s’en priver ?

Par son union et par son programme, la gauche a toujours été et reste le seul véritable vote populaire utile. Sans même parler de pans entiers du programme du RN proprement scandaleux, ce seul fait justifie que nous nous adressions à son électorat qui se sent déshérité, en lui disant haut et fort : ne vous trompez pas d’allié ni d’ennemi, les 12 et 19 juin. Contrairement au RN et à Macron, notre politique n’est pas celle des puissants de ce monde, mais la vôtre !

   5 juin 2022 -
 

L'optimisation fiscale de 800 millions d'euros de General Electric

L’intersyndicale de l’usine de turbines de Belfort vient de déposer plainte contre son propriétaire, General Electric (GE), pour « blanchiment de fraude fiscale », entre autres choses. Et c’est toute une saga macronienne qui se rappelle à nous.

On leur reproche, explique Eva Joly, avocate des plaignants, une évasion fiscale massive, depuis 2015. 800 millions d’euros de bénéfices auraient été transférés en Suisse et dans le Delaware (Etats-Unis), privant le fisc français de plus de 150 millions.

Un abus en cache toujours un autre : les résultats du site se trouvent ainsi déficitaires, justifiant 1400 licenciements depuis 2015. Près de 800, pour la seule année 2019, et Bruno Le Maire alors de mentir de manière éhontée sur les volumes de production du site !

On se souvient que la branche énergie d’Alstom fut bradée en 2015, alors qu’Emmanuel Macron était à Bercy, et conservait ainsi un droit de véto. Lorsqu’il a annoncé, en février dernier, le rachat de la filière nucléaire de GE France par EDF, beaucoup se sont chargés de le lui rappeler. Sa réponse fut singulière : « c’est la vie industrielle » ! Que voulez-vous, mes braves gens ?…

Eh bien savoir ce qu’il se passe. Pourquoi GE refuse de répondre aux médias. Pourquoi M. Le Maire avance le « secret fiscal professionnel » tout en soutenant que Bercy n’a pu valider ce montage. Mais GE bénéficie de la « relation de confiance » avec Bercy, alors M. Le Maire, entre mensonge et faute professionnelle, il va falloir choisir !

Pourquoi le ministère de l’Economie et des finances– seul à même de porter plainte pour fraude fiscale – ne s’est-il jamais penché sur ce dossier, même lorsque Hugh Bailey (DG de GE France) a fait l’objet d’une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêt » ? Pourquoi, depuis décembre 2021, n’a-t-il jamais répondu aux sollicitations des salariés de Belfort ?

Cette indécence n’a donc plus de limite depuis que la Macronie lui a trouvé un joli nom – le ruissellement. Ou plutôt si, elle peut avoir une limite : vos voix. Alors faites-les entendre haut et fort dans les urnes les 12 et 19 juin 2022 !

   4 juin 2022 - Patrick Monin

Le transport et le logement sont portés disparus

Lors de sa première conférence de presse, la nouvelle porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire semblait fière de sa formule, malgré sa maîtrise encore incertaine de la langue macroniste : notre « gouvernement [est] en mouvement ». Pourtant, il ne marche pas ! Et pour cause, ils réfléchissent encore, insistait-elle, et 14 ministres devront démissionner s’ils perdent les législatives. Gouvernement instable, donc ? Balbutiant comme sa porte-parole ? Tournant en rond, composé d’éternels néophytes, comme sa majorité parlementaire ? Gouvernement en mouvement vers la sortie ?

De là peut-être les manques criants de cette drôle d’équipe : la disparition des ministères du Logement et des Transports. Les Français ne se logent plus et ne se déplacent plus, semble-t-il. Et dire qu’ils s’en préoccupent toujours ! Au prétexte que logements et transports seraient vitaux, et concentreraient une part gigantesque des injustices économiques et territoriales du pays ! Quelle drôle de langue parlent encore nombre de Français !

Macron est, lui, un pragmatique, il ne s’embarrasse pas de détails. Il a enterré, de diverses manières, les gilets jaunes et la convention citoyenne pour le climat. Il a enterré l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, transférant ses missions au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, contrôlé par Matignon et une Fiona Lazaar incapable de se faire entendre. Voici maintenant qu’il raye de la carte gouvernementale ces contrées fort mal connues de la Macronie ! Comment douter encore que nos problèmes seront bien (mal)traités ? Le pragmatisme selon Macron. M. Dirx, comprenez-vous bien ce qu’ils disent ?

Mais qu’en ‘pensez’-vous Mme Grégoire ? « Il nous manque peut-être quelques ministres ». C’est-à-dire ? Ah oui peut-être, on n’y avait pas pensé ? Pourtant, ils ‘réfléchissent’, elle nous l’assure. Peut-être, on s’en fiche, on verra ? Puisque transport et logement sont déjà et resteront sous la coupe du ministère de la Transition écologique. Une belle façon de séparer illusoirement enjeux écologiques et sociaux ? Ou pire : une façon de confier ces bagatelles à Amélie de Montchalin.

Souvenez-vous : cette ministre de la Transformation et de la fonction publiques, qui avait commandé à Boston Consulting Group (BCG), où travaille son conjoint, une expertise à 360 000 euros pour améliorer… l’accueil téléphonique des services publiques. Après sa répétition devant la commission du Sénat, qui mieux qu’elle pouvait prêter main forte à Olivier Dussopt, alors ministre des Comptes publics, et aujourd’hui ministre du Travail, pour défendre le recours aux cabinets de conseil devant la presse, en plein scandale McKinsey ? Les voilà opportunément promus tous deux ! Le mérite républicain selon Macron. M. Dirx, comprenez-vous vraiment ce qu’ils disent ?

Alors qu’on se rassure ! Nous avons « peut-être » déjà notre ministère des Transports : le Transportation & Logistics Industry Consulting est l’une des composantes les plus dynamiques du BCG ! La Transformation publique selon Amélie de Montchalin. M. Dirx, vous semblez perdu : est-ce pour cela que vous restez silencieux ?

Car ce gouvernement que vous défendez, cher député fantôme et muet, tourne bel et bien en rond et fait valser les mots : de cabinets de conseil en mépris des citoyens, ses membres tournent comme les planètes autour d’un Macron solaire – la révolution selon la Macronie –, prêts à dévorer au passage une part toujours plus grande de nos vies. Si vous sortez un jour de votre mutisme et de votre rôle de figurant, montrez-nous que vous maîtrisez cette si belle langue ! La représentation selon Dirx…

Car nous savons, nous aussi, jouer sur les mots ! Deux petits tours et puis s’en vont, les petites macronnettes.

Cette majorité sortante, faisons qu’elle le soit vraiment, au nom des transports, du logement, et de tout ce qui fait la dignité de nos vies. Renvoyons tous ces gens aux cabinets en tout genre, en votant pour des députés NUPES qui vous ressemblent et vous feront toujours confiance ! Qui vous représentent sans vous absenter. La démocratie selon le peuple – une langue oubliée depuis trop longtemps, et qui reste pourtant la plus belle pour exprimer sa colère.




 

Valentin Bertron
Arnaud Milanese
Éric Ponchaux
Claire Mallard
Gabriel Siméon
Patrick Monin
Olivier Leprévost
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