Macronie

 

  Macronie

   20 octobre 2022 - Arnaud Milanese

La "banalité" du 49-3

Elisabeth Borne dégaine – oh ! Surprise ! – le 49-3. Et il faut en prévoir une dizaine pour passer la loi de finance. Au nom de l’impérieuse nécessité de disposer d’une loi budgétaire. Un scandale répété à chaque fois qu’un gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée. Alors, Banal Song ? A voir...

Finies les illusions. Finis les commentaires candides : finalement, notre Constitution permettrait un régime parlementaire, qui ne fonctionne pas si mal. J’étais de ceux qui soutenaient que les législatives peuvent renverser un rapport de force établi aux présidentielles. Mais croire que la 5e République permet un régime délibératif entre groupes équilibrées à l’Assemblée, c’est bien de la naïveté. Tester un régime parlementaire avant de changer notre Constitution, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Puisque, on le voit bien, elle ne le permet pas.
Les jeux étaient faits le 14 octobre, lorsque l’Assemblée a pris des décisions contraires aux avis d’Elisabeth Borne et Bruno Lemaire, sur la taxation du Capital. C’était une victoire, mais on savait dès lors qu’elle serait balayée par le 49-3. Ce sera chose faite, sauf si – issue improbable – le gouvernement est renversé.
Banal Song, entend-on ici ou là. Qu’attendre d’un gouvernement qui n’a pas de majorité et qui veut tout de même gouverner ? Et puis, il ne passe pas en force, puisqu’il peut toujours être renversé. Quelle mauvaise foi ! Trouver une majorité contre un avis du gouvernement, et en trouver une pour le renverser, ce n’est pas la même chanson, et tout le monde le sait. Cela ne légitime pas pour autant ce qu’il se passe.
Pire, tous les 49-3 ne se ressemblent pas. Que vont révéler ceux-ci sur la Macronie 2.0 ? C’est une chose de dégainer le 49-3 pour se sortir de stratégies d’obstruction. C’en est une autre de mettre fin à une série d’amendements contraires aux avis du gouvernement. Et c’en est encore une autre d’user de cette arme pour balayer des décisions déjà prises par les députés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit cette fois : non pas contourner une Assemblée bloquée, mais contourner une Assemblée, point. Finie la taxation des superprofits ! Fini le rétablissement de l’exit tax ! Balayées, ces décisions collectives soutenues par des majorités sans appel. Un « coup d’État permanent », disait celui qui a le plus longtemps profité des largesses de la 5e République…
Alors que faire ? Le 14 octobre, Bruno Lemaire se félicitait de la « qualité des débats » à l’assemblée, et Gabriel Attal s’en remettait à sa « sagesse ». Aujourd’hui, une fois passées la marche du 16 octobre et la grève du 18, la chanson est tout autre. Même pas peur de la motion de censure et de l’opinion publique ! « Les Français se diront juste qu’un budget a été voté et que l’exécutif ne s’en est pas trop mal tiré », entend-on au gouvernement. Voté ?! « Le premier est le plus dur. Après cela, le 49-3 sera quasiment banalisé », complète une députée Renaissance (Mediapart, 19 octobre). Si d’aventure on n’avait pas bien compris.

Après l’ère des députés godillots viendrait l’ère des citoyens godillots ? Le voilà leur monde d’après ? « La raison du plus fort est toujours la meilleure », disait le loup à l’agneau. Toute la question est là maintenant : sommes-nous des agneaux ? C’est la seule incertitude que laisse la Constitution, pour ne pas « banaliser » en France un régime présidentiel pur et dur.

   31 août 2022 -

Vive la rentrée des classes !

Bientôt la rentrée des classes. Il est temps ! Nos cher.e.s petit.e.s semblent avoir un peu oublié leurs leçons. Qu’on en juge !

Bruno Le Maire : « Les superprofits, je ne sais pas ce que c’est », a-t-il déclaré en plein oral du Medef. Il faut dire qu'on a affaire à un cancre. Souvenez-vous, ministre de l'agriculture, il avait séché sur une question plutôt facile: la surface d'un hectare... Peut-être, cette fois-ci, voulait-il plaire à ses examinateurs.

Peut-être, surtout, aurait-il dû copier sur sa voisine, Élisabeth Borne, prête, elle, à réfléchir à la taxation des superprofits. Donc elle sait ce que c'est ! Avait-elle révisé ? Pas tant que cela, en fait : pour taxer les superprofits, à l’heure où une pétition dépasse largement les 50000 signatures favorables, elle dit attendre… les initiatives des entreprises. Mme Borne : rouvrez vos cahiers – les taxes, c’est l’État qui en décide, pas les entreprises !

Il faut dire qu’avec un professeur comme Geoffroy Roux de Bézieux, président du Médef, il y a de quoi rester confus : l’État serait le plus grand bénéficiaire des superprofits. Est-ce qu’il ne faudrait pas justement pour cela instaurer la taxe en question ?! Peut-être les vacances et l’été ne sont-ils pas seuls responsables du trouble dans la tête de nos cher.e.s petit.e.s...

Allons donc voir si, ailleurs, les leçons sont de meilleure qualité et leur transmission, plus efficace. L’Agence Internationale de l’Énergie est on ne peut plus claire : 200 milliards d’euros, c’est la somme des profits exceptionnels que vont engranger les entreprises pétrolières et gazières grâce à la crise, cette année. Face à cela, Italie, Espagne, Royaume-Uni mettent en place une taxe exceptionnelle de 25 %. En Espagne, elle concerne même les banques et les compagnies d'électricité qui bénéficient de ces superprofits. En Allemagne, la réflexion est en cours et va probablement suivre le même chemin. Une idée d’extrême-gauche, donc ! L’Europe aurait-elle basculé sans qu’on s’en aperçoive ?

Qu’on se rassure : une telle taxe sera indolore pour le capitalisme, mais elle aura au moins le mérite de donner des marges d’action à l’État. Pour financer la transition écologique, par exemple, ou pour aider les plus démunis à se chauffer cet hiver, ou à se déplacer. Même si notre Sénat s'y refuse ! Bruno Retailleau (LR) déclarait il y a peu : « Dire aux Français que la solution ce sont les taxes, c’est leur mentir ». On peut effectivement penser à quelques autres mesures, si c'est bien une solution que l'on cherche. On peut en discuter...

Alors la rentrée des classes arrive à point en France, qui semble la seule à oublier ses leçons de capitalisme : oui, M. Le Maire, les entreprises doivent produire des profits (ça aussi, on pourrait en discuter) mais un peu de décence tout de même. Sinon cette rentrée des classes pourrait prendre un tout autre sens. Ce qu’on va de toute façon souhaiter : il est temps que les classes populaires rentrent enfin dans leurs droits politiques. Et pour cela, ces taxes sont insuffisantes, mais tout de même nécessaires. Il est temps !

   5 juin 2022 -
 

L'optimisation fiscale de 800 millions d'euros de General Electric

L’intersyndicale de l’usine de turbines de Belfort vient de déposer plainte contre son propriétaire, General Electric (GE), pour « blanchiment de fraude fiscale », entre autres choses. Et c’est toute une saga macronienne qui se rappelle à nous.

On leur reproche, explique Eva Joly, avocate des plaignants, une évasion fiscale massive, depuis 2015. 800 millions d’euros de bénéfices auraient été transférés en Suisse et dans le Delaware (Etats-Unis), privant le fisc français de plus de 150 millions.

Un abus en cache toujours un autre : les résultats du site se trouvent ainsi déficitaires, justifiant 1400 licenciements depuis 2015. Près de 800, pour la seule année 2019, et Bruno Le Maire alors de mentir de manière éhontée sur les volumes de production du site !

On se souvient que la branche énergie d’Alstom fut bradée en 2015, alors qu’Emmanuel Macron était à Bercy, et conservait ainsi un droit de véto. Lorsqu’il a annoncé, en février dernier, le rachat de la filière nucléaire de GE France par EDF, beaucoup se sont chargés de le lui rappeler. Sa réponse fut singulière : « c’est la vie industrielle » ! Que voulez-vous, mes braves gens ?…

Eh bien savoir ce qu’il se passe. Pourquoi GE refuse de répondre aux médias. Pourquoi M. Le Maire avance le « secret fiscal professionnel » tout en soutenant que Bercy n’a pu valider ce montage. Mais GE bénéficie de la « relation de confiance » avec Bercy, alors M. Le Maire, entre mensonge et faute professionnelle, il va falloir choisir !

Pourquoi le ministère de l’Economie et des finances– seul à même de porter plainte pour fraude fiscale – ne s’est-il jamais penché sur ce dossier, même lorsque Hugh Bailey (DG de GE France) a fait l’objet d’une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêt » ? Pourquoi, depuis décembre 2021, n’a-t-il jamais répondu aux sollicitations des salariés de Belfort ?

Cette indécence n’a donc plus de limite depuis que la Macronie lui a trouvé un joli nom – le ruissellement. Ou plutôt si, elle peut avoir une limite : vos voix. Alors faites-les entendre haut et fort dans les urnes les 12 et 19 juin 2022 !

   4 juin 2022 - Patrick Monin

Le transport et le logement sont portés disparus

Lors de sa première conférence de presse, la nouvelle porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire semblait fière de sa formule, malgré sa maîtrise encore incertaine de la langue macroniste : notre « gouvernement [est] en mouvement ». Pourtant, il ne marche pas ! Et pour cause, ils réfléchissent encore, insistait-elle, et 14 ministres devront démissionner s’ils perdent les législatives. Gouvernement instable, donc ? Balbutiant comme sa porte-parole ? Tournant en rond, composé d’éternels néophytes, comme sa majorité parlementaire ? Gouvernement en mouvement vers la sortie ?

De là peut-être les manques criants de cette drôle d’équipe : la disparition des ministères du Logement et des Transports. Les Français ne se logent plus et ne se déplacent plus, semble-t-il. Et dire qu’ils s’en préoccupent toujours ! Au prétexte que logements et transports seraient vitaux, et concentreraient une part gigantesque des injustices économiques et territoriales du pays ! Quelle drôle de langue parlent encore nombre de Français !

Macron est, lui, un pragmatique, il ne s’embarrasse pas de détails. Il a enterré, de diverses manières, les gilets jaunes et la convention citoyenne pour le climat. Il a enterré l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, transférant ses missions au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, contrôlé par Matignon et une Fiona Lazaar incapable de se faire entendre. Voici maintenant qu’il raye de la carte gouvernementale ces contrées fort mal connues de la Macronie ! Comment douter encore que nos problèmes seront bien (mal)traités ? Le pragmatisme selon Macron. M. Dirx, comprenez-vous bien ce qu’ils disent ?

Mais qu’en ‘pensez’-vous Mme Grégoire ? « Il nous manque peut-être quelques ministres ». C’est-à-dire ? Ah oui peut-être, on n’y avait pas pensé ? Pourtant, ils ‘réfléchissent’, elle nous l’assure. Peut-être, on s’en fiche, on verra ? Puisque transport et logement sont déjà et resteront sous la coupe du ministère de la Transition écologique. Une belle façon de séparer illusoirement enjeux écologiques et sociaux ? Ou pire : une façon de confier ces bagatelles à Amélie de Montchalin.

Souvenez-vous : cette ministre de la Transformation et de la fonction publiques, qui avait commandé à Boston Consulting Group (BCG), où travaille son conjoint, une expertise à 360 000 euros pour améliorer… l’accueil téléphonique des services publiques. Après sa répétition devant la commission du Sénat, qui mieux qu’elle pouvait prêter main forte à Olivier Dussopt, alors ministre des Comptes publics, et aujourd’hui ministre du Travail, pour défendre le recours aux cabinets de conseil devant la presse, en plein scandale McKinsey ? Les voilà opportunément promus tous deux ! Le mérite républicain selon Macron. M. Dirx, comprenez-vous vraiment ce qu’ils disent ?

Alors qu’on se rassure ! Nous avons « peut-être » déjà notre ministère des Transports : le Transportation & Logistics Industry Consulting est l’une des composantes les plus dynamiques du BCG ! La Transformation publique selon Amélie de Montchalin. M. Dirx, vous semblez perdu : est-ce pour cela que vous restez silencieux ?

Car ce gouvernement que vous défendez, cher député fantôme et muet, tourne bel et bien en rond et fait valser les mots : de cabinets de conseil en mépris des citoyens, ses membres tournent comme les planètes autour d’un Macron solaire – la révolution selon la Macronie –, prêts à dévorer au passage une part toujours plus grande de nos vies. Si vous sortez un jour de votre mutisme et de votre rôle de figurant, montrez-nous que vous maîtrisez cette si belle langue ! La représentation selon Dirx…

Car nous savons, nous aussi, jouer sur les mots ! Deux petits tours et puis s’en vont, les petites macronnettes.

Cette majorité sortante, faisons qu’elle le soit vraiment, au nom des transports, du logement, et de tout ce qui fait la dignité de nos vies. Renvoyons tous ces gens aux cabinets en tout genre, en votant pour des députés NUPES qui vous ressemblent et vous feront toujours confiance ! Qui vous représentent sans vous absenter. La démocratie selon le peuple – une langue oubliée depuis trop longtemps, et qui reste pourtant la plus belle pour exprimer sa colère.




 

Arnaud Milanese
Claire Mallard
Gabriel Siméon
Patrick Monin
Olivier Leprévost
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