Plainte contre X à propos de la centrale nucléaire de Tricastin

Une information judiciaire a été ouverte pour « mise en danger de la vie d’autrui » à Saint-Paul-Trois-Château (AFP, 9 juin). Si EDF n’est pas nommé, le lieu de l’affaire – la centrale nucléaire de Tricastin – ne laisse aucun doute. A l’heure où la sècheresse menace notre capacité à refroidir les réacteurs (Reporterre, 13 avril), c’est toute la difficulté du nucléaire qui se rappelle à nous.

Suite à son licenciement parce qu’il ne voulait pas taire les manquements à la sécurité constatés sur le site, un cadre de cette centrale porte plainte fin 2021 contre EDF. Dans la foulée, Mediapart révèle que l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) connaissait les faits (2017-2018), ainsi que les pressions subies par le salarié (24 novembre 2021). On parle tout de même d’une surpuissance sur un réacteur, en juin 2017, par exemple, incident non signalé à l’ASN, en violation de l’obligation de transparence qui incombe à l’exploitant.

On répète à l’envi que le nucléaire est plus sûr en France qu’ailleurs, que s’y jouent notre électricité bon marché et notre souveraineté énergétique ! Pourtant… Les incidents nucléaires relevés par l’ASN sont nombreux, et iront croissants avec le vieillissement du parc et le réchauffement climatique. Pire, l’affaire de Tricastin laisse planer un doute : et si cette liste officielle était minimisée ?

Le faible coût de l’électricité est donc artificiel. Il ne tient compte ni de la remise en sécurité (près de 50 milliards d’euros – ActuEnvironnement, 2 nov 2020), ni du démantèlement (sans parler du retraitement des déchets). Pire, la loi plafonne la responsabilité des exploitants à 90 millions d’euros (1968). Or, la Cours des Comptes (2012) estime à 430 milliards d’euros le coût d’un accident nucléaire majeur sur un réacteur de 900MW ! 24 de nos 58 réacteurs sont plus puissants encore, et les scénarios évalués n’incluent pas… la contamination d’une zone urbaine. Ce n’est pas comme si Bugey était à 30km de Lyon, et 60 km de Mâcon ! Avec une responsabilité de 0,02 % au maximum, les exploitants ‘optimisent’ les coûts d’assurance : c’est l’argent public qui est leur assureur !

Enfin, nous importons tout notre uranium depuis 2001. 56 de nos réacteurs sont états-uniens (Westinghouse, disparu en 2017) et nous avons en partie perdu les savoir-faire qu’ils requièrent (Novethic, 1er août 2016). De quelle souveraineté énergétique parle-t-on ?

Arnaud Milanese


   10 juin 2022